Amour, perte, rébellion et solitude

Une histoire de femmes Tokyoites

22.06.2018

TextePen éditorial

« Si ton travail artistique n’altère pas le monde, ça n’a aucun intérêt. J’ai toujours pensé que mon rôle en tant qu’artiste était d’être en colère, de heurter le spectateur, de dire la tristesse et l’injustice abyssale du monde, d’inciter à la révolte », déclare le cinéaste et metteur en scène Julien Levy.

Artiste originaire de Paris, Levy a parcouru le monde en tant que musicien punk rock après avoir obtenu un diplôme universitaire. Sur la route, il a pris des photos qui ont trouvé leur place dans des galeries d’art et lui ont valu un certain succès critique, faisant de lui un éminent photographe quasiment du jour au lendemain. A New York, il s’est confronté à d’autres activités artistiques comme le cinéma, les installations, et les livres d’art qui ont façonné sa palette d’expression.

©Louïs Rault Watanabe

Quand on lui demande pourquoi il s’est installé à Tokyo, Levy répond, « l’amour et la perte, la solitude et la déception. Le monde est injuste envers ceux qui luttent pour s’affranchir de la souffrance. C’est ce que je veux montrer à travers mon travail. En étant dans une gigantesque ville comme Tokyo, j’ai la possibilité d’apporter une clarté beaucoup plus nette à ce thème. Tokyo est la plus grande métropole au monde et malgré la fragilité des relations humaines, les émotions qu’on endure nous rassemblent. Je pense que la pellicule peut saisir ces moments de vie. »

Un sujet en particulier a éveillé l’intérêt de Levy : les femmes. Belles, compliquées, et fortes, elles composent un tumulte parfaitement enclin à stimuler son imagination. Mais une cause plus profonde encore l’a amené à jeter son dévolu sur les femmes de Tokyo pour en faire l’élément central de sa toute dernière œuvre.

« Regardez comment vivent les gens à Tokyo. Au cours de mes pérégrinations, je n’ai jamais vu d’endroit dans le monde où l’écart entre les attentes et la réalité est aussi profond. Pourtant, certains individus choisissent de se battre pour des vies plus gratifiantes sur le plan émotionnel, et c’est là que je puise la beauté dans ce qu’elle a d’absolu. Pour moi, il existe une vérité que personne ne peut nier, c’est la puissance et la complexité de l’esprit féminin. C’est ça, la beauté. En comparaison, la mentalité masculine n’est rien. Trop primaire, trop pragmatique. Les femmes de Tokyo possèdent une telle capacité à déjouer l’âpreté de la réalité quotidienne au Japon qu’en tant que réalisateur, j’éprouve le devoir de soutenir ces femmes à travers mon travail. Mes pensées finissent toujours par aboutir à ce même constat. L’infime parcelle de femmes qui, dans cette ville, rayonnent véritablement, est celle qui regroupe celles qui refusent de se plier à ce chaos et continuent à se battre malgré leur souffrance. A chaque fois que je vois ces femmes, je ne peux m’empêcher de tourner ma caméra vers elles. »

Les récents travaux de Levy mettent l’accent sur de nombreux exemples de femmes tokyoïtes et de leurs luttes, comme dans le court métrage There is No Tomorrow, avec Nana Komatsu avant qu’elle ne devienne connue, ou encore Things to Scream at the Sun, l’histoire de trois femmes à Tokyo, qui font face à leurs peurs.

Le mois de février de l’année 2018 a marqué la première année de Levy au Japon, qu’il a célébrée en sortant un nouveau court métrage avec l’actrice en vogue Haruka Imou. Le film coïncide avec le premier album photo de celle-ci, Hajimete no Butai (Gambit Entertainment), ses débuts sur scène et son exposition. L’ensemble s’intègre au contexte du film de Levy à mesure qu’il dévoile l’innocence et la détermination d’une jeune actrice en devenir face à la rudesse de l’industrie du divertissement.

« Imou caressait le rêve d’être une star de l’industrie du divertissement, alors à l’âge de vingt ans, elle a quitté Kumamoto, où elle a grandi, pour rejoindre Tokyo. Elle-même agit comme un miroir qui reflète toutes sortes de problèmes que les femmes rencontrent à Tokyo », commente Levy.

©Takao Iwasawa

Imou ajoute : « dans la séquence où j’étale de la peinture rouge et noire sur les murs pour écrire Existence,  Maintenant, et Moi, j’ai senti qu’il y avait quelque chose de symbolique. Cela représente l’émotion qui m’anime dans la performance et qui bouillonne comme du magma, tout comme les choses irrationnelles auxquelles je dois me confronter dans cette ville. Dans ce film, une part de moi appartient à la fiction, tandis que l’autre relève de la réalité. Je veux que mes combats intérieurs et la force que je ressens en vivant à Tokyo soient tangibles dans ce film.

©Julien Levy

Les œuvres de Levy s’emparent de la ville de Tokyo à travers les femmes qui l’habitent. La noirceur et le silence de la ville se devinent dans ses images aussi intenses que délicates.

Julien Levy
Réalisateur / Metteur en scène / Auteur français / Cinéaste. Levy a travaillé à New York et à Paris, avant de se voir sollicité par des marques de luxe comme Chanel, Miu Miu et Harper’s Bazaar. En février 2017, Levy s’est installé au Japon, où il s’occupe actuellement de la production et de la distribution d’un long métrage. L’œuvre de Levy, qui prend sa source en grande partie dans ses études de philosophie à l’université, a reçu l’approbation de nombreux acteurs et artistes.

@sincerelyjulienlevy @imouharuka