Atsushi Fujiwara, quand l’au-delà observe

La série photographique “Butterfly had a dream” illustre le parcours d'une femme tourmentée à l'existence menée sous le regard d’un tiers.

10.02.2022

TexteHenri Robert

© Atsushi Fujiwara

Le mécanisme permettant aux papillons de voler est longtemps resté un (grand) mystère de la science, en raison de l’apparente inefficacité de leurs ailes en matière d’aérodynamisme. Après les travaux du zoologiste danois Torkel Weis-Fogh au début des années 1970, en 2021, une étude d’un duo de scientifiques suédois publiée par la Royal Society semble enfin proposer une explication convaincante. Au Japon, cet insecte et sa capacité singulière à déployer ses ailes et se mouvoir, est perçu comme « l’âme des vivants et des morts ». Il symbolise également le chemin des jeunes filles vers la maturité.

Dans Butterfly had a dream (2014), publié par Sokyusha, le photographe Atsushi Fujiwara suit une jeune femme tourmentée vers sa terre natale, à Miyakojima ; la terre de son défunt père, où ses deux enfants résident auprès de leur grand-mère.

Fondateur avec Shin-ichiro Tojimbara du magazine Asphalt, publié entre 2008 et 2012, (où la série avait initialement été présentée) le photographe autodidacte Atsushi Fujiwara a, avant la création de son studio en 2005, vécu en Grande-Bretagne, où il a notamment travaillé dans le design et la restauration. Butterfly had a dream (2014) est la seconde série qu’il publie.

 

Transiter par la vie

La jeune femme présentée ici, mère célibataire et maître du bondage (kinbaku) à Shinjuku, souffre d’un déséquilibre psychique. Son père, qui s’est suicidé, était collectionneur professionnel… d’insectes. La série en noir et blanc révèle une histoire douloureuse, celle d’une femme en transit, qui semble subir son existence, dans un récit où réalité et imaginaire viennent à se confondre. La chronologie des événements capturés est floue, mais, au fil des photographies, l’héroïne semble observée.

On peut y lire une allégorie, celle d’un papillon qui se mouvrait autour d’elle prend corps, accompagnée de l’œil d’Atsushi Fujiwara ; et d’un récit visuel transmis au père disparu. Ce papillon vogue, offre des images de la routine de la jeune femme, de son environnement urbain quotidien, isolé, parfois froid, mais également des moments partagés avec ses enfants, notamment à la plage, lorsqu’elle leur rend visite, ou de leurs voyages. Pour appuyer sa démarche, et lui donner une dimension personnelle, Atsushi Fujiwara confie ces mots dans la publication : « Sans la photographie, je n’aurais jamais pu réunir les fragments d’expression dispersés en moi. »

Cette série relate une histoire aux contours simples mais à la trame nébuleuse, elle se veut la description intime d’une expérience, celle d’une vie douloureuse, d’un échange entre les âmes, entre la terre et l’au-delà ; un dialogue également rendu possible par le format du livre et celui des photographies réunies.

 

Butterfly had a dream (2014), un livre de photographies par Atsushi Fujiwara publié par Sokyusha. Le photographe est représenté par la in)(between gallery.

© Atsushi Fujiwara

© Atsushi Fujiwara

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