Emi Kuraya, les métamorphoses de l’adolescence sur toile

Dans ses esquisses et peintures inspirées d'anime, l'artiste explore, à travers ses figures féminines, l’identité, la mémoire et la nostalgie.

08.05.2025

Texte & ÉditionMasanobu Matsumoto

Née en 1995 dans la préfecture de Kanagawa, Emi Kuraya est diplômée de l’université des beaux-arts de Tama en 2020. Elle a exposé ses œuvres au Japon et à l’international, notamment avec “Girl’s Time” (Perrotin Hong Kong, 2024). Sa première monographie, “Partly Cloudy”, est parue en 2023. Photo : Tanguy Beurdeley © Emi Kuraya / Kaikai Kiki Co., Ltd. Tous droits réservés. Avec l'aimable autorisation de l'artiste et de Perrotin.

C’est un message inattendu qui a changé le cours de sa trajectoire. Alors étudiante à l’université des beaux-arts de Tama, Emi Kuraya voit l’une de ses œuvres repérée sur les réseaux sociaux par Takashi Murakami. L’artiste star, figure de proue de la scène contemporaine japonaise, est séduit. Il la contacte, l’invite à exposer à la Kaikai Kiki Gallery. Rapidement, ses toiles attirent l’attention, au Japon comme à l’étranger.

Pourtant, au souvenir de ces débuts, Kuraya confie un sentiment d’incertitude. « À l’époque, je ne savais pas vraiment quel genre d’artiste j’étais, ni même si je pouvais appeler ce que je faisais de la peinture », confie-t-elle.

“Alleyway” (2024), huile sur toile, 145,5 × 97 cm. Une jeune fille, semblable à un personnage, se tient dans une ruelle banale. Pour Emi Kuraya, la toile devient un miroir, reflet de souvenirs et d’impressions intimes. © 2024 Emi Kuraya/Kaikai Kiki Co., Ltd. Tous droits réservés.

Car avant d’être peintre, Emi Kuraya rêvait d’animation. Depuis l’enfance, elle dessine des figures féminines — un passe-temps intime, presque instinctif. Mais au fil de ses études, entre peinture académique et histoire de l’art, un doute surgit : pouvait-on réellement inscrire ces personnages, surgis de l’imaginaire pop, dans le cadre des beaux-arts ?

« Des artistes comme Mr. ou ob exploraient déjà ce dialogue avec l’anime, raconte-t-elle. Moi, j’étais encore en train de chercher pourquoi je peignais ces images, et ce que cela signifiait pour moi. »

“Dancing” (2022), huile sur toile, 145,5 × 145,5 cm. La jeune fille danse aux côtés de Cocoa, le chien adoré de l’artiste, disparu quelques années plus tôt. Une série peinte dans le sillage d’un deuil, où affleure une tonalité autobiographique. © 2024 Emi Kuraya/Kaikai Kiki Co., Ltd. Tous droits réservés.

Aujourd’hui, sa réponse prend forme sur toile : des adolescentes stylisées, aux traits vibrants, qui donnent corps à un entrelacs d’influences — le plaisir naïf du dessin, l’exigence de la peinture, les résonances autobiographiques. Qui sont-elles, ces figures qui peuplent son œuvre ? « Elles pourraient être des jeunes filles croisées sur Otome Road, à Ikebukuro, ou des amies », dit-elle. « Elles ne sont pas moi, mais dans la mesure où elles reflètent mes expériences, mes souvenirs, peut-être sont-elles une forme d’autoportrait. »

Depuis ses débuts, Emi Kuraya ne s’est jamais lassée de ces visages. « Ma vie, mes expériences changent — les filles que je peins évoluent aussi. À chaque toile, elles continuent de se transformer. »

 

Le travail de l’artiste est à découvrir sur son compte Instagram et sur le site de la galerie Perrotin.

“Harajuku Lovers” (2024), huile sur toile, 162 × 112 cm. Plus récemment, Emi Kuraya a introduit des figures masculines. Un couple, en apparence ? En y regardant de près, un petit cœur se devine, dissimulé dans leur regard. © 2024 Emi Kuraya/Kaikai Kiki Co., Ltd. Tous droits réservés. Avec l'aimable autorisation de Perrotin.