L’homme et la mer, liés par un fil

Dans la série “Fishing”, la photographe Keiko Sasaoka suit des pêcheurs à travers le Japon, et interroge leur relation avec l’environnement.

05.03.2022

TexteHenri Robert

© Keiko Sasaoka

C’est une histoire d’harmonie entre des hommes et un milieu naturel qui nous est contée par la photographe japonaise Keiko Sasaoka. Ces clichés, réalisés entre 2001 et 2012, nous plongent dans l’univers de pêcheurs en activité, des îles de Chiba, Aomori, Kanagawa, Hokkaido, Okinawa, jusqu’à Tokyo.

Membre fondateur de la photographers’ gallery, — un groupe de photographes qui dispose d’une galerie, d’un magazine et de collections —, Keiko Sasaoka présente avec Fishing (publiée en 2012 par l’éditeur KULA) l’un de ses premiers travaux. Comme l’artiste l’explique à Pen, « quand j’ai commencé la photographie au Japon, la mer, le littoral et sa diversité, étaient le lieu parfait. Les pêcheurs m’amènent vers des paysages inconnus et sont le symbole d’un être humain en harmonie avec la nature. »

 

Un aventure collective

Les photographies réunies dans Fishing associent trois éléments : rochers, mer, et pêcheurs — ces derniers se fondent dans cet univers, l’œil du spectateur part à leur recherche. Si ces paysages pourraient être propices à l’évasion, si les lumières sont incroyables, la rudesse de l’environnement frappe également. L’homme est autorisé à y évoluer, mais il n’a pas la main, il doit se plier à son environnement. Les rochers sont saillants, la mer maîtresse du destin, l’homme apparaît minuscule. Dans d’autres clichés, pris lorsque la mer s’est retirée, les pêcheurs sont présentés dans un environnement qui leur est temporairement offert par la nature.

Le lien qui relie ces entités (l’homme et la mer), leur canal de communication, est ici incarné par la canne à pêche. Ils « répètent le même mouvement monotone du lancer et de l’enroulement du leurre tout au long de la journée… C’est aussi un symbole de symbiose entre l’être humain et l’immensité de la nature », détaille Keiko Sasaoka.

À propos de cette relation, l’artiste expliquait en 2012 dans le cadre d’une exposition au Tokyo Metropolitan Museum of Photography, que « tout son être est concentré sur les moindres mouvements de la ligne. La lumière du soleil court le long de la ligne transparente. Tendu, celle-ci correspond à l’obscurité invisible de la mer. Pendant un instant, le pêcheur semble s’évader du temps pour ne faire qu’un avec la mer. »

Après le passage du tsunami en 2011, qui a tout particulièrement touché ces zones côtières, Keiko Sasaoka constate que « beaucoup de gens avaient peur de la mer. Mais quand j’ai vu un pêcheur sur le littoral, j’ai été très impressionnée, rien n’avait changé dans son attitude. Ils connaissent si bien la mer qu’ils savent mesurer le danger, et apprécier cette activité. »

Depuis cet événement, l’artiste est installée dans la zone de Tohoku. Elle y a réalisé entre 2011 et 2014 les clichés réunis dans l’ouvrage Remembrance (2021), portrait de villes sinistrées, disparues, interrogeant la mémoire.

 

Fishing (2012), une série de photographies par Keiko Sasaoka publiée par KULA.

© Keiko Sasaoka

© Keiko Sasaoka

© Keiko Sasaoka

© Keiko Sasaoka

© Keiko Sasaoka