Quand un “yokai” rencontre Botticelli

En 2020, l’artiste japonaise Chiaki Kamikawa décide de confronter le “yokai” Amabie avec la déesse Aphrodite.

14.07.2021

TexteHenri Robert

“Amabie x Aphrodite”, Chiaki Kamikawa, 2020

Dans la culture japonaise, les yokai ont une place importante. Ils représentent des monstres, des créatures surnaturelles. Le terme peut se traduire par « esprit, démon ou fantôme », bienveillant ou hostile, qui peut prendre de nombreuses formes. L’artiste Chiaki Kamikawa, originaire de Kanagawa et installée à Chypre, travaille depuis 2018 à la représentation de ces individus. En 2020, la pandémie a permis la rencontre d’un yokai et d’une déesse.

L’artiste s’attèle depuis le début de sa carrière à présenter au public des mondes alternatifs. Elle explique avoir entamé en 2018 une série de peintures et de dessins mettant en scène des créatures aux allures de yokai dans des paysages et scènes du quotidien propres à Chypre. « J’étais de plus en plus intéressée par l’animisme, la présence d’esprits dans la nature, les phénomènes magiques et le pouvoir, j’étais donc impatiente de combiner ces idées à mon environnement quotidien. C’était probablement ma contre-réaction à l’attitude assez distante des gens à l’égard de l’animisme et du mysticisme que j’observe dans mon entourage. »

 

Partage et guérison

La légende entourant le yokai Amabie nous dit qu’il serait émergé de la mer et aurait demandé aux gens de partager son image pour prévenir la maladie — un thème d’actualité. C’est en 1846 qu’Amabie a été documenté pour la première fois, par un fonctionnaire du gouvernement japonais. Une image d’Amabie, simplement copiée, conserve ses pouvoirs de guérison.

L’œuvre Amabie x Aphrodite présente une association des deux personnages. « J’ai créé Amabie x Aphrodite pour deux raisons. C’est à cause de la pandémie et aussi parce que je vis à Paphos à Chypre qui est, selon la mythologie grecque, le lieu de naissance d’Aphrodite », explique l’artiste. Elle réalise l’œuvre en 2020 à Chypre, lors du premier confinement. « Je connaissais déjà Amabie car je m’inspirais beaucoup des livres illustrés de Shigeru Mizuki sur les yokai, et c’était un moment propice à l’association de La Naissance de Vénus de Botticelli (Aphrodite dans la mythologie grecque) et Amabie, qui ont tous deux émergés de l’eau », poursuit Chiaki Kamikawa.

Se conformant à l’intention originale d’Amabie, elle a mis à disposition sur son site une version PDF de l’œuvre. « Je préfère ici apporter une petite contribution à la société plutôt que de me soucier du droit d’auteur », conclut Chiaki Kamikawa.

 

Le travail de Chiaki Kamikawa est à retrouver sur son site internet.

“Sun tanned Octopus, Tourist Octopus”, Chiaki Kamikawa, 2019

“Nekomata Tala Gathering”, Chiaki Kamikawa, 2019

“Holiday”, Chiaki Kamikawa, 2018