Rhizomatiks, la chorégraphie augmentée

Avec son collectif, Daito Manabe manie la lumière et transpose les courbes du danseur en data pour exposer les facettes de ses mouvements.

01.03.2021

TexteMarie-Charlotte Burat

Daito Manabe x Rhizomatiks Research, “Lucid Motion”, 2019 ©︎ ARTECHOUSE

Les pixels entrent en scène. Dans une vidéo de près de 5 minutes, le collectif Rhizomatiks livre un show musical et chorégraphique immersif. Envoûtement numérique, cette projection décrypte le mouvement humain à travers ceux de la danse, des ombres et des lumières.

Fondé par Daito Manabe en 2006, Rhizomatiks mêle arts et technologies pour concevoir des projets de grande envergure et jouer sur le sensationnel. D’horizons et de médiums variés, les membres disposent de leur propre univers, faisant collaborer ainsi le son, l’art visuel, l’architecture, le design et la programmation, entre autres spécifications.

À la création s’ajoute aussi la recherche (Rhizomatiks Research), chaque chantier devenant tour à tour un terrain d’expérimentations. Réalisée dans le cadre de l’exposition Lucid Motion en 2019, comprenant en tout trois installations, cette vidéo éponyme conjugue culture et divertissement au reflet des ambitions du collectif.

 

Danser les données

La musique démarre, tintinnabule, les lasers crépitent. Le show commence. Apparaît une silhouette humaine, archétypale, sans sexe ni particularités, seuls son corps et ses muscles sont dessinés, mis en reliefs de façon géométrique. Nous sommes face à une entité danseuse. Elle se place au centre, première position, les pieds ouverts à 180°, talons joints. S’en suit un enchaînement chorégraphique contemporain accompagné de faisceaux lumineux qui prolongent ses membres.

« Il y a un certain nombre de sections où la danse est complétée par une lumière virtuelle, ce qui n’est pas possible dans le monde réel, mais seulement dans le monde virtuel. C’est l’une des caractéristiques de cette œuvre », nous explique Daito Manabe. Le personnage se multiplie à sa guise, passant d’un solo à une chorégraphie synchronisée. En perpétuelle métamorphose, chaque élément ouvre un spectre d’évocations. Les éclats de lumière deviennent grains de sable, puis écume de mer. Le danseur se transforme en vent, avant d’évoluer en matière cosmique.

« La signification de la lumière n’est renforcée que lorsqu’il y a quelque chose pour réfléchir et diffuser ces lumières. Dans cette pièce, non seulement la lumière, mais aussi le champ vectoriel invisible sont contrôlés par le mouvement du danseur, qui modifie la trajectoire des objets flottant dans l’air pour présenter une variété d’expressions ». On croit à une synesthésie, à une « conversion du son en visuel » où la musique se rend visible sous la variation d’ondes, le mouvement par des rayons aux multiples formes. Les plans se superposent et s’alternent, comme si plusieurs dimensions s’ouvraient face à nous.

 

Au delà de l’effet de mode

La projection en dôme et omnidirectionnelle donne un sentiment d’immersion totale. Volonté du lieu qui l’accueille, ARTECHOUSE est un espace d’expositions innovantes entre arts, sciences et technologies et explore les fonctionnalités du multimédia pour réaliser des expériences « uniques en leur genre » comme ils les définissent. L’originalité ne tient pourtant plus tant du dispositif que de son contenu. « L’immersion est un nouveau format en vogue. Il existe toute une série d’outils utiles qui n’étaient pas disponibles il y a dix ans. Ce changement est important, mais en même temps, cela signifie que “immersif et interactif” sont moins importants et moins précieux en soi. Ce sont plutôt les contenus visuels et musicaux utilisés dans l’œuvre qui sont plus importants ». Daito Manabe précise : « Je voulais que les gens regardent uniquement la musique, la danse et les images de cette œuvre. »

La danse a cette particularité de faire le pont entre sport et art. Elle entre en relation avec la musique, et ensemble elles offrent un des modes d’expression les plus anciens. « C’est aussi un domaine où des formes innovantes d’expressions artistiques sont créées par la combinaison de divers dispositifs visuels ». Rhizomatiks a collecté une grande quantité de données numériques via des capteurs positionnés sur de véritables danseurs pour retranscrire au plus près le mouvement humain. L’interactivité est donc ici déplacée du public à l’artiste. « Vers 2008, j’en suis venu à penser qu’il était plus intéressant de générer des visuels en utilisant le mouvement des danseurs plutôt que les seuls mouvements du public. Depuis lors, mes travaux interactifs sont principalement des collaborations avec des danseurs. » Parmi eux, le groupe pop japonais Perfume composé de trois femmes qui font de leurs clips comme de leurs concerts des évènements futuristes grâce aux conceptions de Rhizomatiks, visibles par exemple lors des Cannes Lions 2013, le festival international de la créativité.

 

Lucid Motion (2019), une vidéo du collectif Rhizomatiks à revoir sur la chaîne Youtube de Daito Manabe. Plus d’informations sur le collectif Rhizomatiks à retrouver sur son site internet et sur le site internet de Daito Manabe.

 

Daito Manabe x Rhizomatiks Research, “Lucid Motion”, 2019 ©︎ ARTECHOUSE

Daito Manabe x Rhizomatiks Research, “Lucid Motion”, 2019 ©︎ ARTECHOUSE

Daito Manabe x Rhizomatiks Research, “Lucid Motion”, 2019 ©︎ ARTECHOUSE

Daito Manabe x Rhizomatiks Research, “Lucid Motion”, 2019 ©︎ ARTECHOUSE

Daito Manabe x Rhizomatiks Research, “Lucid Motion”, 2019 ©︎ ARTECHOUSE

Daito Manabe x Rhizomatiks Research, “Lucid Motion”, 2019 ©︎ ARTECHOUSE

Daito Manabe x Rhizomatiks Research, “Lucid Motion”, 2019 ©︎ ARTECHOUSE

Daito Manabe x Rhizomatiks Research, “Lucid Motion”, 2019 ©︎ ARTECHOUSE

Daito Manabe x Rhizomatiks Research, “Lucid Motion”, 2019 ©︎ ARTECHOUSE

Daito Manabe x Rhizomatiks Research, “Lucid Motion”, 2019 ©︎ ARTECHOUSE