The Analog Club, lieu de ralliement de la communauté argentique à Paris

Ce concept de boutique-galerie-labo propose de revenir à une pratique de la photographie plus consciente, fondée sur le format papier.

03.07.2025

TexteRebecca Zissmann

The Analog Club est un lieu hybride, à la fois boutique d’appareils photo argentiques, librairie, galerie et laboratoire. Il est situé à Ménilmontant, dans le XXe arrondissement à Paris. © Rebecca Zissmann

À rebours de la digitalisation de la société, ce concept de boutique-galerie-labo propose de revenir à une pratique de la photographie plus consciente, fondée sur le format papier. Les débutants, beaucoup de jeunes de 25 à 35 ans, y sont conseillés dans le choix d’un premier appareil photo reconditionné et peuvent participer à des ateliers pour apprendre les bases de la prise de vue ou du tirage. Lieu ouvert, The Analog Club permet avant tout à sa communauté, issue des réseaux sociaux, de se retrouver en physique et d’échanger lors d’évènements, que ce soit des lancements de livres en auto-édition ou des expositions.

Pour un groupe qui prône un retour à la photographie argentique, il est amusant de noter que The Analog Club a d’abord émergé sur Instagram en 2016. Grâce au partage d’un cliché par jour dans une esthétique argentique, le compte a connu un succès fulgurant jusqu’à atteindre plus de 175 000 followers dans le monde entier. Sentant un regain d’intérêt de la jeune génération pour le medium, les cofondateurs décident de se lancer dans la vente d’appareils photo reconditionnés en ligne. Ils le font de manière originale en créant The Analog Box, un kit de démarrage composé d’un appareil photo choisi par le client, de pellicules et d’un guide d’initiation à la photographie argentique.

En parallèle, l’équipe organise des expositions et un grand évènement, The Analog Days, dont le concept est à l’origine de leur lieu parisien. Pendant deux semaines se succèdent ateliers et lectures de portfolio, qui viennent animer leur boutique où tirages et boitiers sont mis en vente. L’esprit de communauté a bien pris en physique, ce qui pousse The Analog Club à se mettre en quête d’un lieu permanent. C’est chose faite fin 2024 dans le quartier de Ménilmontant, situé dans le populaire XXe arrondissement de Paris.

Les appareils argentiques ne remplissent pas tout l’espace à The Analog Club qui ne se veut pas intimidant et accueille volontiers les débutants. Une grande place est accordée aux tirages et aux livres et zines, dont une majorité en auto-édition. © Rebecca Zissmann

« Un bon appareil, c’est un appareil qui sert »

Avant même l’ouverture de la boutique, The Analog Box, le kit de démarrage en photographie argentique pour débutants avait déjà rencontré un franc succès. Il est composé d’un appareil, de pellicules, d’une pile, d’une lanière, de stickers ainsi que d’un guide d’initiation aux bases de l’argentique. © Rebecca Zissmann

Au rez-de-chaussée, se dévoile une partie de la collection de boitiers reconditionnés par Clément Lacombe, le technicien passionné de réparation. Chaque appareil nécessite de 1h30 à cinq heures de travail, du diagnostic à l’entretien complet avec à l’arrivée, un boitier en parfait état de marche. « Se lancer dans l’argentique est déjà une démarche en soi », souligne l’expert. « On souhaite faciliter les choses du point de vue technique en fournissant un outil qui fonctionne ».

Ce sont en majorité des réflex des années 1960 à 1980, à fort potentiel de réparabilité. « Ces boitiers nous survivront si on en prend soin », poursuit Clément Lacombe. « Ce sont de beaux objets conçus pour être maintenus et durer dans le temps ». A l’inverse des modèles point and shoot des années 1990-2000, qui connaissent un regain de popularité mais dont l’obsolescence mènera nécessairement à leur disparition.

Parmi la sélection d’appareils photo argentiques reconditionnés se trouvent aussi bien des réflex que des point and shoot. © Rebecca Zissmann

Pas facile pour un débutant de se repérer parmi la variété des appareils proposés. L’équipe de The Analog Club est là pour le guider. Celui en quête d’un premier boitier peut prendre rendez-vous en ligne et bénéficier de 30 mn de conseils personnalisés en boutique, avec prise en main et essai des appareils sélectionnés. « Un bon appareil pour nous, c’est un appareil qui sert », affirme Léopold Fulconis, l’un des cofondateurs. « Un appareil dont la personne est contente, tant au niveau du rendu que de la façon dont elle l’utilise. Certaines ont des envies très techniques, d’autres des envies plus spontanées, irrégulières. On a de quoi satisfaire chaque profil ». Une configuration idéale pour un débutant serait un réflex semi-automatique, simple à manipuler, avec un objectif de 50 mm à ouverture f/1.8.

Certains boitiers sont plus recherchés que d’autres et bénéficient déjà d’une belle renommée, comme le Canon AE1 ou le Nikon FM2 du côté des réflex ou les Mju pour les compacts. The Analog Club propose aussi des appareils neufs à l’instar de celui relancé par Pentax ou des appareils en plastique façon jetables mais réutilisables, aux prix très accessibles. Leur facilité d’utilisation explique leur popularité. « Pour beaucoup, le fait d’avoir un appareil photo argentique n’est pas une fin en soi mais un moyen car ils trouvent cela amusant de prendre des photos, de les développer et de faire du tirage », explique Clément Lacombe. « C’est un loisir en soi que d’aller faire des photos, peu importe le résultat ».

Clément Lacombe, le technicien et réparateur de The Analog Club conseille très précisément chaque personne selon ses besoins et ses envies en termes de pratique photographique. © Rebecca Zissmann

Les pellicules Washi, fabriquées en Bretagne, sont en papier japonais ce qui donne un rendu incomparable au tirage. © Rebecca Zissmann

S’initier aux bases du tirage avec du matériel d’époque

Le laboratoire Le Sel, au sous-sol, permet aux débutants de s’initier au développement et au tirage de leurs photos. © Rebecca Zissmann

The Analog Club s’adresse autant aux débutants qu’aux plus confirmés. L’équipe reçoit notamment des personnes ayant grandi avec l’argentique et qui ont soit l’envie de s’y remettre, soit la volonté d’échanger autour du medium. La boutique propose donc des accessoires en sus des boitiers, dont une belle sélection de pellicules originales. Celles de la marque Sunbath, fabriquées à Paris, sont en réalité une version photo du film cinéma Vision3 de Kodak. Mais la plus impressionnante reste la pellicule Washi, réalisée en Bretagne en papier japonais, ce qui donne un rendu unique aux tirages.

Pour ceux qui s’intéressent à l’argentique au-delà de la prise de vue, le laboratoire Le Sel, situé au sous-sol de la boutique constitue la porte d’entrée idéale vers la pratique du tirage. Thibaut Piel, son créateur, a chiné et réparé lui-même les agrandisseurs vintage qui occupent l’espace, une rareté. S’ils sont plus techniques à manipuler, ils dégagent une atmosphère surannée qui ressuscite des gestes et des bruits d’antan. L’un s’accompagne par exemple d’un minuteur à cadran accroché au mur, au tic-tac nostalgique.

Thibaut Piel propose des journées d’initiation au développement et au tirage. Une fois les bases bien acquises, les participants peuvent revenir s’emparer du laboratoire en libre-service. Le lieu est réservé à deux personnes à la fois, souvent des inconnues. Deux jeunes femmes qui s’y sont rencontrées sont par la suite devenues de très bonnes amies car la pratique du tirage encourage les échanges et l’entraide.

D’anciens agrandisseurs restaurés par Thibaut Piel donnent au lieu une atmosphère unique. © Rebecca Zissmann

Un lieu vivant où la communauté se retrouve pour échanger sur sa pratique

Une banquette vient d’être installée au niveau de l’espace librairie pour que les visiteurs puissent s’installer et échanger entre eux ou avec l’équipe, s’ils ont besoin de conseils. © Rebecca Zissmann

The Analog Club entretient cet esprit de partage en mettant régulièrement en avant sa communauté. Plus qu’une boutique, il s’agit d’un lieu vivant où sont organisées des expositions et évènements pour fêter la sortie des livres, dont une majorité en auto-édition, qui constituent le fonds de la partie librairie. Un open-call permanent a été institué dès l’ouverture pour que ses membres puissent proposer leurs projets en vue d’être exposés sur ses murs ou sur sa page Instagram. Beaucoup de visiteurs viennent désormais consulter les zines et repartent avec un tirage, dont les prix débutent à quelques dizaines d’euros.

À l’avenir, l’équipe souhaite organiser plus d’ateliers pour accompagner la communauté dans sa pratique. Avec des animateurs spécialisés comme des photographes de rue ou des portraitistes. Thibaut Piel, l’artisan-tireur du laboratoire Le Sel, pratique lui-même la photographie à l’Afghan Box et souhaite réhabiliter l’emploi de belles chambres en bois, dont une trône en vitrine.

Une ancienne chambre en bois attire le regard en vitrine. © Rebecca Zissmann

« Aujourd’hui, il y a une culture de l’instantanéité, en lien avec nos rythmes quotidiens qui ne cessent de s’accélérer », note Léopold Fulconis. « L’argentique va à l’encontre de cette tendance, on ne reçoit pas ses photos tout de suite, il faut déposer ses pellicules au labo, attendre qu’elles soient scannées et encore, il peut y avoir des irrégularités et on peut rater une pellicule. C’est une pratique lente qui pousse à être plus précautionneux, à faire attention à son cadrage et à la manière dont on prend des photos. On en obtient moins mais elles ont plus de valeur. Et on les regarde, à l’inverse des milliers de photos enfouies dans nos téléphones ».

À l’heure où chacun est désormais photographe grâce aux appareils embarqués dans les smartphones, acquérir un boitier argentique ne va pas de soi. Et si sauter le pas peut sembler intimidant, l’équipe de The Analog Club et ses conseils bienveillants permettent de se lancer avec plus de confiance et de sérénité dans une pratique qui remet le plaisir de la prise de vue et de la contemplation au centre. Avec peut-être à la clé, de belles rencontres avec d’amoureux de la pellicule.

 

Plus d’informations sur The Analog Club sur son site internet et son compte Instagram.

Plus de renseignements sur Le Sel sur son site internet.

Léopold Fulconis, cofondateur de The Analog Club. © Rebecca Zissmann

Des tirages sont continuellement exposés pour mettre en valeur le travail des membres de la communauté de The Analog Club qui peuvent soumettre leurs projets à l’open-call permanent. © Rebecca Zissmann

Des pellicules originales, principalement européennes, sont proposées à la vente. Notamment les films Sunbath issus du cinéma. © Rebecca Zissmann

De nombreux évènements donnent vie au lieu. Ici, lors du lancement du livre “Augure” par Rodrigue de Ferluc, le 14 mai 2025. © Rebecca Zissmann

Des appareils photo en attente de diagnostic et réparation dans le bureau de Clément Lacombe. © Rebecca Zissmann

Clément Lacombe en pleine réparation d’un appareil photo. © Rebecca Zissmann