“Kwaidan”, des histoires de fantômes portées au grand écran

Ce film de Masaki Kobayashi s'appuie sur les récits de Lafcadio Hearn pour pénétrer le folklore entourant les fantômes.

06.04.2022

TexteMiranda Remington

© 1965, Toho Co., Ltd

Dans Kwaidan (1964), Masaki Kobayashi met en scène quatre contes fantastiques, pour un récit terrifiant, basé sur certaines des histoires de fantômes les plus populaires. Cette plongée dans un passé féodal illustre l’horreur propre aux contes mythologiques —  dans un environnement rural, entre couleurs surréalistes et murs en bambou. Ranimant des superstitions japonaises, Kwaidan est une adaptation d’un livre publié en 1904 par l’écrivain et traducteur Lafcadio Hearn ; premier recueil d’histoires de fantômes du folklore japonais qui permit de diffuser cette culture en Occident.

Dans “Les cheveux noirs”, des femmes de l’époque Heian se révèlent, à travers leurs cheveux flottants, comme de sombres symboles de désespoir. Une Yuki-onna — des esprits du folklore japonais qui effraient les voyageurs égarés dans les montagnes enneigées —, est dépeinte dans “La femme des neiges”. “Hoichi sans oreilles” matérialise les esprits de l’illustre famille Taira, massacrée pendant une guerre mais revenant d’entre les morts pour hanter un musicien aveugle. “Dans un bol de thé” s’appuie sur signal troublant : toutes les histoires sont portées par le poids des formes d’art anciennes. Dans cet univers, beau et obscur, dissonance et élégance s’entrechoquent, accompagnées par les musiques du compositeur Toru Takemitsu.

 

Danse avec les démons

Dans les années 1950, apogée de l’âge d’or du cinéma japonais, les films dramatiques de Masaki Kobayashi ont été associés à une critique de l’histoire militariste du pays. Alors qu’il travaillait avec des studios renommés tels que la Shochiku et la Toho, ses œuvres engagées politiquement — la trilogie La Condition de l’homme (1959-1961) ou les films de samouraïs Harakiri (1962) et Rébellion (1967) —, le mettaient régulièrement au cœur de controverses. Cette position explique qu’il soit aujourd’hui moins populaire que certains de ses contemporains tels que Akira Kurosawa. Pour autant, Kwaidan a obtenu une reconnaissance internationale immédiate, remportant le prix spécial du jury au Festival de Cannes de 1965. Il a également été nominé aux Oscars dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère.

Dans Kwaidan, chaque apparition de fantômes repose sur la recherche ethnographique réalisée par Lafcadio Hearn, un auteur greco-irlandais qui a passé une grande partie de sa vie au Japon. Son travail est empreint d’une fascination pour la philosophie et les traditions. À la manière de ce que présente le cinéaste mexicain Alejandro Jodorowsky, ses longs plans-séquences de pièces vides et une architecture médiévale construisent une composition symétrique, tandis qu’une reproduction fidèle de formes d’art archaïques se révèle à travers une mise en scène reproduisant le théâtre nô antique, des tenues traditionnelles, ou l’atonalité de la musique réalisée avec le luth biwa. Dans ce Japon lointain, ces formes de vie éphémères sont présentées de manière réaliste, mais sous l’éclairage expressionniste de Masaki Kobayashi, la grâce rencontre la violence, l’obscurité et les sensations des contes de fées.

 

Kwaidan (1964) un film réalisé par Masaki Kobayashi et édité en DVD par Wild Side.

© 1965, Toho Co., Ltd

© 1965, Toho Co., Ltd

© 1965, Toho Co., Ltd

© 1965, Toho Co., Ltd

© 1965, Toho Co., Ltd

© 1965, Toho Co., Ltd

© 1965, Toho Co., Ltd

© 1965, Toho Co., Ltd

© 1965, Toho Co., Ltd

© 1965, Toho Co., Ltd

© 1965, Toho Co., Ltd

© 1965, Toho Co., Ltd

© 1965, Toho Co., Ltd

© 1965, Toho Co., Ltd