« La Ronde » de Blaise Perrin, chronique d’un héros de l’obscur

Dans ce premier documentaire, le réalisateur suit la tournée de veille quotidienne de Yukio Shige, retraité de la police.

09.09.2020

Blaise Perrin, “La Ronde”, Courtesy of the artist

La Ronde, premier documentaire du réalisateur français Blaise Perrin, a été tourné en 2018, à l’issue des sept années qu’il a consacrées à observer et à filmer Yukio Shige. Ce retraité de la police de Tojinbo s’est donné pour mission de porter assistance à tous les désespérés, hommes et femmes, qui se rendent dans la station balnéaire dans le but de mettre fin à leurs jours. Au fil des ans s’est constitué autour de Shige un petit cercle d’admirateurs, touchés par le travail qu’accomplit chaque jour ce héros de l’ombre.

Du film de Perrin se dégage une atmosphère à la fois douce, sobre et contemplative qui nous fait suivre en temps réel ces après-midis durant lesquelles Shige arpente sans relâche chaque promontoire rocheux de la ville tout en faisant le récit de ses journées, livrant parfois quelques anecdotes mais toujours soucieux de rester discret.

« Je n’ai jamais cherché à réaliser un documentaire sur les suicides au Japon, ça n’était pas mon sujet », dit Perrin, qui a finalement rencontré Shige en Novembre 2011 après s’être lancé à la recherche de l’homme qui avait inspiré Le coeur régulier, un roman d’Olivier Adam. « J’ai voulu faire le portrait de cet homme en évitant soigneusement toute forme de pathos et de voyeurisme », précise-t-il.  Allant à la rencontre de Shige, Perrin a d’emblée pris conscience du contexte dans lequel il allait devoir travailler. « J’ai eu bien du mal à le trouver », dit Perrin. Bien que Tojinbo soit une petite ville avec une unique rue piétonne, toute l’économie locale repose sur le suicide et dans ce contexte, la présence de Shige constitue un obstacle à la bonne marche des affaires.

 

La ville aux deux visages

La caméra de Perrin nous fait suivre Shige avec une vue plongeante sur Tojinbo, depuis l’instant où celui-ci entreprend sa tournée à travers la ville fourmillante de touristes jusqu’au moment où, la lumière déclinant, ils commencent à se disperser et finissent par disparaître tout à fait dès que l’obscurité s’étend sur les cimes des arbres et sur les profondeurs marines en contrebas. « Cette progression de la lumière et ce changement de décor étaient très importants », explique Perrin. « Je voulais faire ressentir au spectateur les deux différentes atmosphères. » Tourné durant la Golden Week, le film restitue la quasi-intégralité des maraudes de Shige. « Nous ne lui avons donné qu’une seule consigne », dit Perrin. « Fais comme d’habitude. »

Le film est le portrait bienveillant d’un homme solitaire dont la compassion silencieuse a changé le destin de centaines d’autres. Même si le café qu’il avait ouvert pour ceux qu’il a secourus n’existe plus aujourd’hui, c’est grâce au don de ses économies qu’un refuge pour ceux qui sont dans le besoin a pu voir le jour.

 

La Ronde (2018), un film réalisé par Blaise Perrin en japonais sous-titré en français.

 

Blaise Perrin, « La Ronde », Courtesy of the artist

Blaise Perrin, « La Ronde », Courtesy of the artist

Blaise Perrin, « La Ronde », Courtesy of the artist

Blaise Perrin, « La Ronde », Courtesy of the artist

Blaise Perrin, « La Ronde », Courtesy of the artist