Le Bauhaus et le Japon
Poussés à l'exil par les nazis, les instigateurs de l'école allemande réfugiés au Japon y ont retrouvé des concepts chers à leur mouvement.
© Bauhaus Archiv Berlin
En 2019, le Bauhaus, école d’art, d’architecture et de design allemande, fêtait ses 100 ans. Cette école, née à Weimar, a réuni, en à peine quatorze petites années d’existence, toute l’avant-garde créative au sein et au-delà des frontières de l’Allemagne. Avec une ambition : unir l’art et la technique et inventer une nouvelle manière d’habiter les espaces.
Fermée de force par les nazis, l’école du Bauhaus a malgré tout continué d’infuser au fil des ans, si bien que l’on en trouve des ramifications tout autour du monde. Des États-Unis, où nombre de grands maîtres du mouvement se sont exilés, à l’Europe, en passant par le Japon. Son fondateur, Walter Gropius, a séjourné trois mois dans l’archipel en 1954. Lui et ses comparses y ont retrouvé, particulièrement dans le domaine de l’architecture et de l’artisanat, des notions chères au mouvement comme le minimalisme, le fonctionnalisme et l’utilisation de matériaux bruts.
Une architecture moderne
La manière qu’ont les architectes et artisans japonais d’envisager l’espace, notamment leur rapport au vide et au plein, intéresse les membres du Bauhaus. Obsédé par la flexibilité et la modularité des espaces, ainsi que par l’ascèse devant régner dans les intérieurs, Walter Gropius voit dans la villa impériale de Katsura à l’est de Kyoto, un joyau de l’architecture moderne.
« L’un des points favorables de l’ancienne construction japonaise est la flexibilité de l’espace. La maison s’ouvre sur le jardin et se relie à lui. L’intérieur et ses shoji réalise ce que j’appelle la coordination moderne. Cette construction “déjà prête” est très importante. La simple beauté de la villa impériale de Katsura est certainement le point culminant que la beauté puisse atteindre », s’extasie Walter Gropius, qui consacre, avec son homologue japonais Kenzo Tange, un ouvrage à cet édifice.
Le Japon comme inspiration
Mais bien avant la visite de Walter Gropius dans l’archipel, le Japon n’a pas manqué d’inspirer certains professeurs de l’école. A l’instar de Johannes Itten, peintre dont les cours portent notamment sur l’esthétique de la peinture à l’encre japonaise, qui initie ses étudiants aux philosophies bouddhistes et shintoïstes, chères aux Japonais.
Un de ses élèves, Theodor Bogler, s’est d’ailleurs inspiré de la tradition japonaise pour concevoir sa série de théières, mêlant modularité et géométrie, deux concepts chers au mouvement allemand et à l’art nippon. Dans la même veine, Marianne Brandt signe la conception d’un infuseur à thé en laiton et ébène en forme de demi-sphère, où le mélange culturel occidental et oriental fait émerger une des pièces les plus emblématiques du Bauhaus.
Enfin, le Japon s’est lui aussi invité sur le sol allemand, lorsque deux élèves nippons se sont inscrits à la célèbre école : Iwao Yamawaki et Takehiko Mizutani. Ce dernier est le premier élève japonais du Bauhaus, inscrit en 1927, et dont les travaux sont rapidement couronnés de succès à l’instar de son projet de table ronde en verre. À son retour au Japon, il organise d’ailleurs L’exposition de la construction de la vie qui met en exergue l’esthétique idéale du Bauhaus. Une exposition considérée comme le prélude de l’école nouvelle d’architecture et de design, dont les enseignements mêlent les concepts de design japonais traditionnels au modernisme européen du Bauhaus avec la production industrielle.
Plus d’informations sur le Bauhaus sur le site internet d’archives qui lui est consacré.
© Bauhaus Archiv / Fotostudio Bartsch
© Bauhaus Archiv / Foto: Gunter Lepkowski
© Bauhaus Archive
© Kenchiku Gaho / October issue, 1931. Photographer unknown
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