Un film magistral adapté d’une nouvelle de Murakami

“Burning” du cinéaste Lee Chang Dong est tiré du court récit de l’écrivain star japonais, “Les granges brûlées”, publié en 1987.

16.04.2021

TexteClémence Leleu

© Well go USA

Burning, de Lee Chang Dong, est l’histoire d’un triangle amoureux incendiaire. Ce film, à la frontière entre drame sentimental et thriller haletant, raconte l’histoire de Jongsu, un jeune homme solitaire et taciturne, qui retrouve une ancienne camarade de classe, Haemi, dont il tombe fou amoureux. Mais après s’être absentée pour un voyage en Afrique, la jeune femme revient au bras du riche et sophistiqué Ben, aux passions destructrices. Haemi, qui sert de trait d’union entre ces deux hommes que tout oppose finira par disparaître mystérieusement. 

Lee Chang Dong est un cinéaste coréen qui a débuté sa carrière en tant que dramaturge, puis romancier, avant de réaliser son premier long métrage Green Fish, en 1997. Nommé ministre de la culture et du tourisme en 2002, c’est grâce à ses films Secret sunshine (2007) et Poetry (prix du scénario au Festival de Cannes en 2010), que le réalisateur acquiert une renommée internationale. 

 

Des racines qui remontent à William Faulkner

En 2018, il choisit d’adapter “Les granges brûlées” (éditée en français au sein du recueil L’éléphant s’évapore), une nouvelle de Haruki Murakami publiée en 1987, elle-même inspirée d’un ouvrage de William Faulkner, L’Incendiaire (1939). « Cette histoire est mystérieuse même si rien ne s’y passe vraiment. Pourtant il y a quelque chose de très cinématographique dans ce mystère », témoigne Lee Chang Dong, lors d’une conversation avec Jung-mi Oh, scénariste de Burning, extraite du dossier de presse du film. « Cela fait allusion au monde dans lequel nous vivons actuellement, où nous sentons que quelque chose ne va pas sans tout à fait pouvoir mettre le doigt sur le problème ».

Dans l’incandescent Burning, le réalisateur a délibérément choisi de s’écarter du texte original. Aux granges de bois japonaises se sont substituées les serres en plastique transparent, très courantes dans les campagnes coréennes. Ce sont ces dernières que le mystérieux Ben avoue embraser pour combler son vide existentiel et se libérer d’un trop plein de violence. Un passe-temps qui laisse pantois l’introverti Jongsu. 

 

Un monde aux airs de puzzle géant

« Les jeunes Coréens vivent également une période difficile. Ils souffrent du chômage. Ils ne trouvent aucun espoir dans le présent et voient que les choses ne s’amélioreront pas à l’avenir. Incapables d’identifier la cible vers laquelle ils peuvent diriger leur rage, ils se sentent impuissants », explique le réalisateur. « Pour de nombreux jeunes, le monde ressemble davantage à un puzzle géant. C’est un peu comme la façon dont le protagoniste de l’histoire de Murakami se sent apathique devant un homme dont la véritable identité est entourée de mystère. »

Mais alors que la jeune femme disparait, Jongsu se lance à sa recherche dans une quête où Lee Chang Dong se joue des contours du réel, brouille les certitudes en multipliant les fausses pistes, tout en faisant cheminer côte à côte Jongsu et Ben, héros antinomiques mais deux faces d’une même pièce. Avant un dénouement explosif duquel subsiste une question : tout ceci a-t-il réellement existé ? Burning, en compétition au Festival de Cannes 2018, a reçu le prix Fipresci, décerné par un jury de critiques de cinéma internationaux. 

 

Burning (2018), un film de Lee Chang Dong visible en streaming sur le site MyCanal.

 

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