“Le Japon à double tour”, immixtion dans le système pénitentiaire nippon
Le journaliste Philippe Couture a pu pénétrer dans la prison de Fuchu, la plus grande du pays, pour y tourner un documentaire.

Extrait de “Le Japon à double tour”
Dans son documentaire Le Japon à double tour, sorti en 2000, le documentariste Philippe Couture pénètre dans la prison de Fuchu pour en filmer les rouages, et s’entretient, en parallèle du personnel pénitentiaire, avec deux Français, Philippe et Cyril, condamnés respectivement à 3 et 4 ans d’emprisonnement.
Une plongée dans un univers peu mis en lumière par la société nippone, qui préfère vanter les chiffres incroyablement bas de sa criminalité. La prison de Fuchu, la plus grande du pays, est située dans la banlieue de Tokyo. À l’intérieur sont emprisonnées 2300 personnes dont 300 étrangers. Une population carcérale exclusivement masculine et composée pour la plupart de récidivistes, condamnés pour leur appartenance au milieu des yakuza ou au trafic de drogue. À Fuchu, atterrissent également tous les étrangers.
Redevenir une personne socialement normale
« Quand on arrive et que l’on voit le système, ça surprend. Je suis formé pour être un robot, je n’ai plus de nom, plus d’identité, je suis juste un numéro », confie Philippe, face caméra. Et effectivement, durant une heure, la caméra de Philippe Couture filme la mécanique parfaitement huilée et implacable du système carcéral nippon. Toutes les actions y sont chronométrées, l’organisation des cellules hautement perfectionnée et le travail obligatoire pour tous les détenus qui ne répondent plus à leur nom et prénom mais à un numéro qui leur est affecté à leur arrivée.
Le directeur de la prison prévient : à l’entrée leur est remis une brochure de 40 pages, où figurent les règles et où sont détaillés les exercices quotidiens ainsi que les gestes à réaliser au fil de la journée. « Des règles plus nombreuses que celles de la vie normale. Mais quand vous quitterez cette prison, vous serez devenu une personne socialement normale », précise-t-il. La normalité comme but ultime, peu importe le prix à payer pour les détenus. « Nous sommes obligés de travailler, il nous est interdit d’être oisif, nous sommes formé à devenir quelqu’un de productif », raconte Cyril, qui confie avoir gagné un salaire de 40 francs (moins de 10 euros) en deux ans.
Si, comme le documentait la photoreporter Shiho Fukada, de plus en plus de personnes âgées se font sciemment incarcérer pour éviter la solitude et la précarité, le Japon reste toutefois un pays régulièrement pointé du doigt pour la rudesse de son système carcéral, comme le souligne un rapport de l’ACAT paru en 2014.
Le Japon à double tour (2000), un documentaire réalisé par Philippe Couture à retrouver sur la chaîne Youtube du cinéaste.
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