« On dit souvent qu’il faut apprendre de ses échecs… mais est-ce vraiment si simple ? »

Dans “Guide de survie en société d'un anti-conformiste”, l'auteur Satoshi Ogawa partage ses stratégies pour affronter le quotidien.

20.11.2025

TexteSatoshi Ogawa

© Tomoyuki Yanagi

Dans chaque numéro de Pen, l’écrivain Satoshi Ogawa, lauréat du prix Naoki, publie un essai inédit de sa série “Guide de survie en société d’un anticonformiste”. Il y partage avec finesse les stratégies originales qu’il met en place pour affronter les petits tracas du quotidien. Voici le dixième épisode, “Échec et découragement”.

Pendant mes années d’études, j’ai enchaîné les petits boulots. Ce constat ne signifie ni que je suis particulièrement travailleur, ni que j’ai accumulé une grande expérience : au contraire, c’est presque une honte d’avouer que je n’ai jamais tenu bien longtemps nulle part. Comme je ne restais pas assez pour m’installer dans un poste, je changeais d’emploi. Et je ne faisais pas long feu. Donc je cherchais un nouveau travail. C’est ainsi que la liste de mes expériences professionnelles s’est allongée.

Le seul travail auquel je me sois réellement tenu, c’est celui de professeur dans un institut de soutien scolaire. J’ai commencé à donner des cours en master, puis après mes débuts littéraires, et je n’ai arrêté qu’au moment de devenir écrivain à plein temps — environ cinq ans en tout. Si j’ai tenu, c’est sans doute parce qu’il s’agissait d’un travail solitaire, comme l’écriture : je préparais mes cours seul, j’enseignais dans le silence, et après la classe je déposais mes rapports avant de rentrer. Pour moi, qui n’avais jamais réussi à garder un petit boulot bien longtemps à cause de personnes que je ne supportais pas ou avec qui je n’avais aucune envie d’interagir, le poste de professeur particulier s’apparentait presque à une vocation. J’ajouterais que ces cinq années m’ont été utiles pour écrire des romans, je crois. (Je dis « je crois » parce que je pense que toute expérience est utile pour écrire, et que je ne suis pas certain que celle de professeur ait, en elle-même, une utilité particulière).

Une fois, j’ai participé à une formation organisée par le siège de l’institut. Cela devait faire un an que j’enseignais. On nous avait réunis pour une journée de cours modèles, de conférences données par des professeurs chevronnés, et de discours émanant des cadres de la société. Je savais que je n’y apprendrais rien de décisif, et je n’avais aucune envie d’y aller ; mais pour espérer une revalorisation de mon taux horaire, la présence était obligatoire.

De cette journée assommante, pourtant, je retiens une chose. Lors d’une intervention liée au curriculum de l’institut, un cadre demanda aux enseignants : « Que ressentez-vous lorsque l’on vous adresse une remarque sévère ? » Plusieurs furent sollicités. La plupart répondaient : « Je m’efforce de faire mieux », « Je veux prouver que j’en suis capable ». L’un d’eux déclara même : « Je me dis : “Tu vas voir ce que tu vas voir !” » En les écoutant, je me disais que si l’on m’interrogeait, je répondrais probablement la même chose.

Après en avoir interrogé une dizaine, le cadre conclut : « C’est très bien. Lorsque vous êtes confrontés à la critique ou à l’adversité, vous faites face, vous redoublez d’efforts. C’est ainsi que vous avez réussi vos examens et que vous êtes devenus professeurs ici. Se faire reprendre, échouer, faire un moteur des revers : c’est admirable. Mais beaucoup d’enfants ne fonctionnent pas ainsi. Quand on leur dit quelque chose de dur, ils se découragent. Ils se disent qu’ils n’y arriveront jamais et abandonnent. La majorité de nos élèves fonctionnent ainsi. Ils ne sont motivés que lorsqu’on les félicite, ou lorsqu’ils réussissent. »

On entend souvent les personnes qui ont réussi dire : « Échouez autant qu’il le faudra », ou « Ce qui ne marche pas aujourd’hui vous servira de leçon ». Pourtant, la réalité ne suit pas toujours ce schéma. En cinq ans d’enseignement, j’ai vu combien la plupart des enfants n’apprennent pas de leurs échecs : ils perdent confiance, tout simplement. Bien sûr, il est essentiel de donner une seconde chance à ceux qui ont échoué. Mais il faut aussi garder en tête que certains restent paralysés par un unique revers, incapables de repartir du bon pied. Surtout si vous, vous avez eu la chance de pouvoir avancer grâce à vos échecs.

 

À propos de l’auteur

Satoshi Ogawa est né en 1986 dans la préfecture de Chiba. Il fait ses débuts littéraires en 2015 avec De ce côté d’Eutronica (Yūtoronika no Kochiragawa, Hayakawa Books). En 2018, son roman Le Royaume des Jeux (Gēmu no Ōkoku, Hayakawa Books) remporte le 38ᵉ Grand prix Nihon SF ainsi que le 31ᵉ prix Yamamoto Shūgōrō. En janvier 2023, il reçoit le 168ᵉ prix Naoki—l’un des prix littéraires les plus prestigieux du Japon, récompensant des romans populaires d’exception—pour La Carte et le Poing (Chizu to Ken, Shūeisha, référence au roman de Michel Houellebecq, La Carte et le Territoire). Son œuvre la plus récente, Your Quiz (Kimi no Kuizu), est parue chez Asahi Shimbun Publishing.

© Seiichi Saito