Satoshi Ogawa se confie sur les « difficultés » à être lauréat du prix littéraire Naoki

Dans “Guide de survie en société d'un anti-conformiste”, l'auteur Satoshi Ogawa partage ses stratégies pour affronter le quotidien.

15.07.2025

TexteSatoshi Ogawa

© Tomoyuki Yanagi

Dans chaque numéro de Pen, l’écrivain Satoshi Ogawa, lauréat du prix Naoki, publie un essai inédit de sa série “Guide de survie en société d’un anticonformiste”. Il y partage avec finesse les stratégies originales qu’il met en place pour affronter les petits tracas du quotidien. Voici le quatrième épisode, “Lauréat du prix Naoki”.

Je ne sais pas si tout le monde est au courant, mais il se trouve que j’ai récemment reçu le prix Naoki. Bien avant que cette distinction me soit attribuée, j’avais entendu dire que « remporter le Naoki, c’est le début des ennuis ». On m’en dressait souvent la liste, plus ou moins sous la forme suivante :

1. Une avalanche de demandes pour rédiger des textes ou des essais liés à la récompense.

2. Une multiplication des sollicitations pour apparaître à la télévision.

3. Un afflux d’invitations à donner des conférences.

4. Une succession d’invitations à des dîners ou soirées en tout genre.

5. Une soudaine prolifération de proches, cousins et amis oubliés.

Sur les trois premiers points, il est encore un peu tôt pour me prononcer. J’ai, c’est vrai, reçu bien plus de sollicitations qu’à l’accoutumée, mais celles qui ne me tentent pas ou qui s’accordent mal avec mon emploi du temps, je les décline. Rien d’insurmontable, donc. Quant aux invitations à sortir, c’est presque le contraire : beaucoup partent du principe que je dois être débordé et n’osent donc pas m’inviter. Résultat, mes soirées sont étonnamment libres. Et ce n’est pas pour me déplaire : j’ai justement pas mal d’échéances d’écriture, et pouvoir travailler tranquillement le soir m’arrange tout à fait (je rédige cette chronique entre deux essais à rendre après l’annonce du prix). Le cinquième point, lui, ne s’est pas encore vraiment manifesté. Même si je reçois des messages de félicitations envoyés par des gens avec qui je n’étais plus en contact depuis des années, ou encore des cadeaux venus de personnes avec qui je n’ai collaboré qu’une seule fois dans ma vie. Ce genre de choses.

Alors, tous ces fantasmes autour du prix Naoki seraient-ils infondés ? Je ne dirais pas cela. Mais ce n’est pas du tout l’épreuve que l’on imagine : ce n’est pas l’avalanche de demandes ou l’enchaînement des soirées qui sont pesants (en tout cas, pas à mes yeux). Et puisque vous pourriez un jour, vous aussi, vous retrouver lauréat, permettez-moi de vous livrer ici un petit retour d’expérience. Peut-être cela vous sera-t-il utile, le moment venu.

La tâche la plus fastidieuse, pour l’instant, ce sont les réponses. Depuis l’annonce du prix, j’ai reçu un nombre incalculable de messages de félicitations. Plusieurs jours ont passé, mais ils continuent d’arriver. Vu le contexte, il est impensable de les ignorer, et je m’efforce donc de répondre avec un minimum de soin. Ce qui signifie que je passe désormais plusieurs heures par jour, dès le matin, à écrire des messages de remerciement.

Autre épreuve : les invitations. Le prix Naoki s’accompagne d’une cérémonie officielle. Elle se tient dans une grande salle, avec invités triés sur le volet et tout ce que cela suppose de protocole. Les lauréats peuvent y convier leurs proches : famille, amis, connaissances. Très bien — sauf qu’il faut dresser une liste. Ce qui implique de contacter des dizaines de personnes, leur confirmer lieu et date, collecter leurs adresses, compiler l’ensemble dans un fichier et l’envoyer à la Société pour la promotion de la littérature japonaise. Les faire-parts sont envoyés par les organisateurs, mais l’organisation de la liste ne repose que sur moi. Ceux qui ont déjà eu à organiser leur propre mariage comprendront sûrement de quoi je parle (ce n’est pas mon cas, mais j’imagine assez bien la chose).

Et puis, autre surprise de taille : les cadeaux. Depuis quelques jours, je reçois une avalanche de présents venus de rédactions, de maisons d’édition, de partenaires, d’amis, de connaissances. Les fleurs arrivent en tête, suivies de près par les bouteilles d’alcool et les télégrammes de félicitations. Il faut déjà, pour permettre l’envoi, communiquer son adresse — ce qui n’est jamais une formalité —, puis accueillir le flot incessant de livreurs qui sonnent à la porte du matin au soir. Difficile, dans ces conditions, de se concentrer sur quoi que ce soit. Et bien sûr, chaque envoi appelle à son tour un mot de remerciement.

À vrai dire, en relisant ces lignes, je m’aperçois que tout cela pourrait passer pour de l’ingratitude, ou pour le récit un peu arrogant d’un chanceux se plaignant de ses privilèges. Je me demande même si je n’ai pas été un peu présomptueux en écrivant cela. D’habitude, je ne formule pas ce genre de choses à voix haute, mais cette fois, je tiens à dire combien je suis touché par vos sentiments. Je profite de cette occasion pour vous dire que je suis vraiment reconnaissant. Merci infiniment.

 

À propos de l’auteur

Satoshi Ogawa est né en 1986 dans la préfecture de Chiba. Il fait ses débuts littéraires en 2015 avec De ce côté d’Eutronica (Yūtoronika no Kochiragawa, Hayakawa Books). En 2018, son roman Le Royaume des Jeux (Gēmu no Ōkoku, Hayakawa Books) remporte le 38ᵉ Grand prix Nihon SF ainsi que le 31ᵉ prix Yamamoto Shūgōrō. En janvier 2023, il reçoit le 168ᵉ prix Naoki—l’un des prix littéraires les plus prestigieux du Japon, récompensant des romans populaires d’exception—pour La Carte et le Poing (Chizu to Ken, Shūeisha, référence au roman de Michel Houellebecq, La Carte et le Territoire). Son œuvre la plus récente, Your Quiz (Kimi no Kuizu), est parue chez Asahi Shimbun Publishing.

© Seiichi Saito