tofubeats, des netlabels à Warner, portrait d’un prodige de l’internet

18.05.2020

TexteRebecca Zissmann

Avec ses sonorités empreintes de 8-bit, son overdose de synthétiseurs et son emploi virtuose de l’autotune, tofubeats compose une musique dance pop festive, jeune et résolument urbaine. A seulement 29 ans, Yusuke Kawai de son vrai nom, a su se faire une place majeure de producteur sur la scène contemporaine japonaise.

Des débuts en ligne

Son parcours, peu banal, commence dans les méandres d’internet à la fin des années 2000. Émergent alors ce qu’on appelle les « netlabels », des éditeurs de musique en ligne qui permettent aux apprentis producteurs de trouver un public hors des sentiers battus de l’industrie musicale traditionnelle. Parmi les plus célèbres des netlabels, Maltine, créé en 2005, se distingue vite par la densité de son univers. C’est sur ce label que tofubeats édite ses premiers titres sous le nom de dj newtown alors qu’il est encore au lycée, dans sa ville natale de Kobe.

La reconnaissance d’une maison de disques

Grâce aux netlabels, tofubeats rencontre d’autres artistes avec lesquels il organise des soirées comme les Lost Decade  au Club Unit à Tokyo, longtemps populaires. Jusqu’au jour où son travail est remarqué par la major Warner Music Japan avec laquelle il signe en 2013. Un premier single, « Don’t stop the music », paraît dans la foulée, interprété par la chanteuse de J-Pop Chisato Moritaka.

Il est rapidement suivi d’un premier album chez Warner, le bien nommé First Album, produit en seulement deux mois à l’été 2014. Une prouesse. Les collaborations avec des vocalistes de premier rang s’y enchaînent, qu’elles soient du Japon, comme la chanteuse Bonnie Pink, ou d’ailleurs, telle la chanteuse américaine LIZ signée sur le label du DJ Diplo.

tofubeats - First Album

Une musique sans frontières

Après s’être attaché à produire et écrire des chansons pour les autres, dont certains des groupes les plus populaires de la J-Pop à l’instar de Momoiro Clover Z, tofubeats revient sur le devant de la scène dans son troisième album pour Warner, Fantasy Club, sorti en 2017. Il y prend le micro sur des raps taillés au couteau comme « Shoppingmall » où il s’interroge sur des sujets sérieux et notamment sur l’ère de post-vérité amenée par la démocratisation d’internet et des réseaux sociaux.

Une critique de l’instrument qui l’a porté lui-même à la postérité et qui fait de Fantasy Club l’album de la maturité pour tofubeats. Son agenda est alors plein à craquer et le DJ enchaîne les sets, du festival incontournable japonais Summer Sonic aux scènes de Taiwan, bien qu’une maladie l’empêche de prendre l’avion trop longtemps.

L’année suivante, le réalisateur Ryusuke Hamaguchi lui confie la bande originale du film Asako I et II, que tofubeats signe brillamment. On en retient surtout le morceau « River » qui clôture la dernière séquence.

Depuis, le talent du producteur continue d’accompagner les nuits japonaises et de faire danser sa jeune génération. Début mars 2020, avant la diffusion de l’épidémie de coronavirus et la fermeture de nombreux clubs, tofubeats dévoile un nouveau titre, « Club », extrait du mini-album TBEP. Une ode au monde de la fête et aux djsets qui s’éternisent comme une prémonition et un mirage qu’il tarde à tous de voir redevenir réalité.

tofubeats - Fantasy Club