Yohei, un nomade en van sur les routes japonaises

13.04.2020

TexteSolenn Cordroc'h

Qui n’a jamais rêvé de vivre dans un van et de sillonner les routes asphaltées du monde entier ? Un Japonais a sauté le pas et partage son quotidien et ses bonnes astuces sur sa chaîne Youtube, Digital Homeless Yohei. Si le Japon se visite le plus souvent en train ou en bus, le van permet d’accéder à des endroits plus reculés du pays, difficilement accessibles en transports en commun comme la vallée d’Iya avec ses lacets montagneux et autres ponts en lianes suspendus. Entre deux aventures sur les routes japonaises, Yohei a accepté de répondre à nos questions et de dévoiler son train de vie en dehors des sentiers battus.

La vie en van est un rêve mais seules quelques personnes sortent de leur zone de confort et osent franchir le pas. Quelles ont été les différentes étapes qui ont jalonné votre transition de sédentaire à nomade ?

Après avoir obtenu mon diplôme universitaire, j’ai commencé à travailler dans l’industrie hôtelière mais, hormis les relations amicales au travail et l’ambiance bienveillante de l’entreprise, je sentais bien que j’étais déprimé. Pour la première fois, j’ai réalisé que mon équilibre entre travail et vie personnelle n’était pas celui que je désirais. J’ai donc quitté mon emploi mais rapidement, l’argent vint à manquer. Malgré les nuits passées dans l’appartement d’un ami, un soir, j’en suis arrivé à dormir sous un pont. Heureusement un beau jour, j’ai reçu un appel d’un inconnu qui me proposait d’effectuer des prises de vue contre rémunération. Si la photographie n’était alors qu’un passe-temps, j’ai accepté cette offre avec grand plaisir car j’avais, avant tout, besoin de renflouer mon compte en banque. Avec du recul, cette expérience a été un tournant majeur dans ma vie, même si sur le moment, je pensais seulement aux courses alimentaires que je pourrais effectuer après la première paye. Je résidais à Kobe mais le tournage devait se dérouler une semaine plus tard à Tokyo. N’ayant pas l’argent nécessaire pour me procurer un billet de train, je décidai d’enfourcher mon vélo pour rejoindre la capitale, tout en profitant de cette escapade pour m’arrêter à divers endroits du Japon et jouer au touriste. J’ai alors réalisé que ce n’était pas la destination le but ultime du voyage, mais bien le détour. Par la suite, les commandes de photographies ont augmenté, je pouvais me payer un ticket de bus mais étonnement, un voyage sans détour s’avérait ennuyeux. Au fur et à mesure des retombées d’argent, j’ai pu acheter une voiture pour stocker mon matériel photographique volumineux et mes affaires du quotidien. Ma voiture devenait peu à peu mon lieu de vie principal. J’avais même installé des panneaux solaires pour pouvoir obtenir de l’électricité dans cette maison mobile.

Comment avez-vous découvert le concept de vie à bord d’un van ?

C’est un concept plutôt populaire au Japon auprès des personnes retraitées et, dans une moindre mesure, auprès des jeunes. Ce mode de vie semblait plutôt me correspondre alors j’ai entamé des recherches sur Internet. J’y ai découvert la vie d’aventuriers en van en Europe et aux États-Unis, mais je souhaitais avant tout rester vivre au Japon. J’ai aménagé mon van avec tout ce dont j’avais besoin. Ma vie minimaliste se résume à arpenter les routes japonaises dans mon van avec mon matériel photo, mes planches de surf, ma cuisine, mon bureau et mon lit ; voilà ma définition du bonheur.

Qu’est-ce qui vous plait le plus dans votre vie de nomade ?

J’adore m’endormir dans mon van en écoutant le bruit des vagues et en admirant le ciel étoilé, sans omettre d’apprécier une gorgée de whisky japonais sur le bar en bois aménagé à côté de l’espace chambre.

Quelle est votre journée type ?

Je n’utilise le réveil que quelques rares fois durant l’année, je préfère me réveiller avec les premiers rayons du soleil. Je débute habituellement la journée par une session de surf puis je me mets au travail, soit dans mon van soit dans des cafés, quand j’ai besoin d’une connexion internet optimale pour envoyer de lourds fichiers. Le soir, je peux de nouveau me laisser tenter par une session de surf avant l’heure du dîner. Pour terminer la journée, je prends la route pour me rendre sur mon prochain lieu de tournage ou de prises de vues photographiques, ou bien je me détends sur la terrasse en bois sur le toit du van, avant de plonger dans les bras de Morphée.

Que représente votre mode de vie dans la société moderne japonaise ?

Avoir un lieu de vie sédentaire, se marier et avoir des enfants est un mode de vie très courant au Japon. A contrario, ma vie plus bancale suscite quelques critiques, mais je ne m’en offusque pas car j’ai conscience que la société japonaise est encore très conservatrice et se repose beaucoup sur des valeurs traditionnelles. Je m’épanouis pleinement aujourd’hui et je ne changerais cette vie pour rien au monde. Je suis libre de découvrir des endroits du Japon totalement inconnus et de me plonger en pleine nature, loin des villes.

Comment vous imaginez-vous dans quelques années ?

Si j’apprécie le minimalisme, je me rends compte que mon van déborde maintenant d’objets que j’ai accumulés depuis cinq ans. J’aimerais agrandir mon espace de vie en investissant dans un camion porte-conteneurs. Les conteneurs sont faciles à aménager et peuvent s’agencer comme bon nous semble. Mon souhait serait d’y installer un espace tatami pour la cérémonie du thé et de percer un puits de lumière dans la chambre à coucher, pour continuer de me réveiller avec le soleil. Je suis conscient que ce rêve est à portée de main donc je pourrais l’exaucer très bientôt.