Kamaro’an, artisanat autochtone de Taïwan en dialogue avec le présent

À Taipei, les gestes traditionnels du peuple pangcah prennent une nouvelle forme au contact du design contemporain.

17.07.2025

TexteYaeko Kondo PhotographiesJimmy Yang

Nacu Dongi, Artisan. Originaire de Fengbin, un port paisible de la région de Hualien, Nacu est une artisan issue du peuple pangcah. Après des études en design de communication visuelle à Taipei, elle rejoint en 2017 la maison Kamaro'an à son diplôme, où elle officie désormais comme l’une des figures majeures de l’atelier situé dans la capitale taïwanaise.

C’est en 2015 que trois jeunes designers et artisans — Shane Liu, Yun-Fan Chang, tous deux diplômés en design, et Tipus Hafay, lui-même Pangcah originaire de Hualien — créent Kamaro’an. Leur ambition : revisiter le savoir-faire ancestral de leur peuple en détournant notamment le Cyperus alternifolius, une fibre traditionnelle utilisée par les Pangcah, pour imaginer des abat-jours au design épuré. Aujourd’hui, les pièces fabriquées dans leurs ateliers de Hualien et Taipei sont référencées dans des lieux emblématiques, du MoMA Design Store à New York, jusqu’au musée Picasso à Barcelone, en passant par des boutiques pointues de Paris, Tokyo et Vienne.

Nacu Dongi raconte : « Dans mon village natal, nous fabriquions nos propres chapeaux, sacs et outils de travail en rotin, et brassions aussi notre alcool artisanal. Mais avec le temps, les jeunes ont tendance à acheter ce qui est déjà vendu à l’extérieur, et les traditions se sont peu à peu perdues. Personnellement, c’est en rejoignant Kamaro’an que j’ai vraiment voulu apprendre pour ne pas laisser ces savoir-faire disparaître. Les anciens nous transmettent avec patience leur art du tressage, même aux plus jeunes. » Ce changement de regard, confie-t-elle, est largement nourri par les échanges avec des artisans du monde entier, qui ont ouvert de nouvelles perspectives sur la valeur et la pérennité de cet héritage.

Chez Kamaro’an, chaque création naît d’une discussion à plusieurs voix. Les idées circulent, les prototypes se multiplient, et peu à peu, les objets prennent forme. Parmi les premières pièces conçues, Nacu Dongi garde une affection particulière pour l’abat-jour en Cyperus alternifolius, cette fibre végétale sur laquelle elle dormait enfant, tissée en nattes dans les foyers pangcah. Un matériau intimement familier, devenu support de création.

Vient ensuite le triangle bag, dont elle apprend à tresser l’anse à l’aide d’une technique traditionnelle utilisée autrefois par les Pangcah pour envelopper la poignée de leurs couteaux, évitant ainsi qu’ils ne glissent. Le geste est complexe ; Nacu Dongi se souvient avoir dû s’exercer jusque tard dans la nuit pour le maîtriser.

Dernièrement, les artisans de Kamaro’an se sont attelés à redécouvrir les techniques de teinture végétale propres au peuple pangcah. Un apprentissage qui a pris un tour inattendu pour Nacu Dongi : « En apprenant cette méthode, j’ai découvert que ma mère avait, elle aussi, étudié auprès du même maître artisan autrefois. Depuis, mon travail ici est devenu encore plus personnel. »

De génération en génération, les savoirs de la communauté pangcah se réinventent sans se diluer. Transmis par les gestes, nourris par les souvenirs, ils trouvent chez Kamaro’an une nouvelle vitalité.

Kamaro’an House

Adresse : 2, allée 11, section 3, Xinsheng South Road, district de Da’an, Taipei

Téléphone : +8862-2356-3616

Ouvert de 13h à 18h (du vendredi au dimanche) et de 15h à 18h (lundi, mercredi et jeudi — sur rendez-vous uniquement).

Fermé le mardi.

www.kamaroan.com

Étuis pour smartphone ou écouteurs, petits miroirs… Des accessoires prisés aussi par la clientèle internationale.

Une large sélection de pièces unisexes et fonctionnelles, comme ces sacs de voyage aux lignes sobres.

Dans un espace à l’allure de galerie, l’atelier permet d’observer les artisans à l’œuvre. Un service d’entretien y est également proposé.

Décliné dans de nouvelles teintes végétales, le sac triangle — pièce emblématique de la marque inspirée des “azuma bukuro” japonais — est confectionné en coton, avec une poignée en cuir tanné végétal. Disponible en deux tailles : 36 (4 500 TWD) et 58, adapté aux formats A4 (6 000 TWD).

Chaque création s’inspire d’un objet utilitaire traditionnel pangcah. Ici, un récipient pour transporter l’eau. Au premier plan, un sac revisite les contenants destinés à emporter outils et nourriture. 8 500 TWD.

Avec sa silhouette évoquant une calebasse, ce sac s’inspire du cuiseur à riz traditionnel des Pangcah. Modèle au premier plan : 9 500 TWD ; à l’arrière-plan : 8 500 TWD.

Entièrement réalisés à la main, ces abat-jours en Cyperus alternifolius laissent passer la lumière avec délicatesse. Leur géométrie soignée en fait de véritables pièces sculpturales. Modèle de droite : 12 000 TWD ; de gauche : 8 000 TWD.