À Kamakura, le savoir-faire du fabricant de nouilles Houeidou séduit le Japon entier
Depuis trois générations, cet artisan ancré dans son territoire s'attache à préserver avec exigence le goût qui a fait sa renommée.

Les nouilles chinoises se déclinent en cinq types : fines et ondulées, fines droites, moyennes, épaisses et plates. Elles sont composées uniquement de farine de blé, de sel, d’eau et de “kansui” (eau alcaline). Les additifs superflus ont été supprimés depuis que Yasushi Seki a repris la fabrication.
Les nouilles façonnées par un artisan ont ce pouvoir rare d’élever instantanément le niveau d’un plat fait maison. À Kamakura, le fabricant Houeidou jouit d’une réputation telle qu’il compte parmi ses fidèles aussi bien des chefs renommés que des gastronomes avertis. Rencontre avec un artisan dont la passion, transmise depuis trois générations, continue de conquérir les tables du pays.

Yasushi Seki, troisième génération à la tête de Houeidou Seimen. Il a repris l’entreprise familiale en 2011, à l’âge de 33 ans. Il y travaillait déjà à temps partiel pendant ses études, et continue encore aujourd’hui à exercer en parallèle son autre métier de menuisier.
À l’heure où les fabriques de nouilles se font de plus en plus rares, Houeidou fait figure d’exception. Depuis près de dix ans, journaux, magazines et émissions de télévision se penchent régulièrement sur son travail. L’adresse attire les commandes venues de tout le pays, et compte parmi ses clients de nombreux experts culinaires.
En arrivant à Kamakura, dans le département de Kanagawa, difficile pourtant d’imaginer que l’atelier discret qui se dresse dans une rue tranquille est au cœur d’un tel engouement. Érigée dans les années 1970, la petite usine n’a guère changé depuis. Elle a conservé les mêmes machines et le même savoir-faire. Yasushi Seki, troisième génération à la tête de la maison, s’y active silencieusement en véritable shokunin, artisan au sens du geste millimétré.
« Nous faisons aussi de la vente en ligne, mais je tiens à rester attaché à l’esprit local », confie-t-il.
Des restaurateurs fidèles à une philosophie du goût

Les caisses en bois patinées par le temps, utilisées pour livrer les nouilles aux restaurants. Le chef du Chūkasoba Satō à Ōfuna confie qu’il les garde volontairement visibles depuis la salle « tant elles sont charmantes ».
La production quotidienne atteint jusqu’à 2000 portions lors des périodes les plus chargées — une quantité infime comparé aux grandes marques industrielles. L’entreprise collabore avec une vingtaine de restaurants, principalement dans la région de Shōnan. Chaque matin, dès 6 h 30, les machines se mettent en marche. À neuf heures passées, les nouilles fraîchement façonnées partent en livraison, juste à temps pour le service du midi.
Cette rigueur inspire une confiance totale à ses partenaires. Jun Satō, chef du restaurant Chūkasoba Satō à Ōfuna, parle des nouilles de Houeidou avec une affection presque intime.
« Elles ont quelque chose de doux. Quand on les porte à la bouche, le parfum du blé se déploie avec délicatesse. Elles s’intègrent au bouillon sans jamais le dominer. Pour moi, il est impossible d’imaginer mes ramen avec d’autres nouilles. »

La machine pour fabriquer les nouilles, introduite dans l’atelier en 1976 et toujours en usage. Moins efficace qu’un modèle électrique moderne, elle permet un travail plus manuel, auquel Yasushi Seki tient particulièrement.
Depuis qu’il a repris l’affaire familiale en 2011, Yasushi Seki entretient ce lien de proximité avec les restaurateurs. Il a ouvert un compte officiel sur les réseaux sociaux pour partager les plats préparés avec ses nouilles ou ses pâtes à gyoza, sous la devise : « Étudier nos propres nouilles, goûter notre propre pâte. »
« À une époque où les restaurants de quartier et les fabriques artisanales sont menacés, je cherche à ma manière ce que je peux faire pour qu’ils continuent d’exister », explique-t-il.
Chaque mois, il se rend ainsi dans plusieurs établissements partenaires pour observer comment ses nouilles sont cuisinées, servies, et reçues.
« Quand j’ai commencé, je me disais parfois que les chefs faisaient trop cuire mes nouilles », sourit l’artisan. « Aujourd’hui, je trouve passionnant de voir que chaque restaurant en fait sa propre interprétation. »
Si les ingrédients ont légèrement évolué — notamment avec la suppression de certains conservateurs —, la saveur, elle, reste immuable.
« Je suis fier de perpétuer ce goût transmis depuis trois générations. Ce qui compte avant tout, c’est que nos nouilles accompagnent le bouillon sans le masquer », affirme Yasushi Seki.
Chez Houeidou, la constance n’est pas une nostalgie, c’est une forme de sincérité. Une fidélité à la main, à la matière, et à ceux qui, chaque jour, prolongent cette histoire en la dégustant.
Houeidou Seimen
Adresse : 5-6-15 Ōmachi, Kamakura, département de Kanagawa
Téléphone : +814 6722 0719
Horaires : 11 h – 16 h (fermeture dès rupture de stock)
Fermé les lundi et mardi
www.instagram.com/houeidou.noodle.factory/
Pendant que Yasushi Seki s’affaire à la production, sa sœur s’occupe de la vente directe, accueillant sans interruption les clients du quartier. Entre deux ventes, elle emballe à la main, dans du papier journal, les feuilles de pâte à gyoza destinées à la vente en ligne. Tout, de la fabrication à l’expédition, est réalisé dans cet atelier.

Au fil des ans, Yasushi Seki a goûté d’innombrables bouillons de ramen à travers le Japon avant de sélectionner ceux qu’il propose à la vente. Environ dix variétés sont disponibles : “shōyu”, “shio”, “shōyu” aux palourdes et sardines séchées, “shio” à la dorade et au “konbu” de Rishiri, “tantanmen”, ainsi qu’un bouillon du mois renouvelé régulièrement.

Fondé en 1953, l’atelier a été reconstruit en 1970 et continue depuis à produire dans le même bâtiment. Les machines patinées et le plancher en bois, empreints d’une atmosphère d’époque, conservent intact le charme de l’ère Shōwa.

Le tableau noir du point de vente affiche les menus du jour.

L’atelier se situe à une vingtaine de minutes à pied de la gare JR de Kamakura. Sous le “noren” blanc suspendu à l’entrée du magasin, on croise aussi bien des habitants du quartier que des clients venus de loin.
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