Un rosé à la robe pâle et au goût pénétrant

07.03.2019

TexteMiyuki Katori PhotographiesYosuke Owashi

Setsuna Uta 2016 Nobori Jozo

La robe est rose pâle, mais en bouche, il surprend par sa texture huileuse et sa puissance. Un goût de fruit rappelant la framboise, équilibré par une pointe de tanins qui resserre les papilles. L’arrière-goût révèle ensuite un mélange de douceur et d’amertume très plaisant, qui se prolonge tant et si bien…qu’on se prend à soupirer d’extase.

Ce vin a pour nom Setsunauta. Il a été élaboré par le vigneron Fumiaki Konishi avec un cépage de raisin noir, le Zweigelt, dans son exploitation viticole de  Noborijozo, située dans la ville de Yoichi sur l’île d’Hokkaido. Initialement employé dans une organisation agricole, Konishi, au cours d’une soirée dans un bar de Tokyo, découvre l’emblématique vin naturel Touraine Sauvignon de Thierry Puzelat (Loire), qui le séduit instantanément. À partir de cette rencontre, le désir de fabriquer le même type de vin ne le quitte plus, et c’est ainsi qu’il part s’installer à Hokkaido et commence à cultiver son raisin.

La vinification, il l’a apprise auprès de Bruce Gutlove, vigneron expérimenté  établi depuis longtemps à Hokkaido. Le Touraine Sauvignon étant sa référence, Konishi voulait fabriquer un vin clair, élégant et charpenté à la fois. Sa vigne étant plantée essentiellement en Zweigelt, il vinifie les grappes entières en les pressant rapidement. Après ça, il attend que la levure contenue naturellement dans le jus fasse son travail et initie la fermentation.

« À vrai dire, je n’avais pas une vision très claire quand j’ai opté pour la vinification aux levures indigènes. Au départ, je trouvais intéressant que le goût du vin puisse être modifié selon les types de levures utilisées », nous confie Konishi. « Mais en poursuivant ma propre vinification, j’ai été de plus en plus fasciné par la complexité des levures indigènes. Avant tout, leur douceur en bouche me plaisait beaucoup, et puis j’étais très curieux de l’histoire qui les entourait, notamment leurs points faibles, que j’ai appris à contourner par des traitements appropriés. » Il faut impérativement récolter des raisins sains, puis manipuler le jus avec le plus grand respect jusqu’à la dernière étape, et bien sûr maintenir un chai parfaitement propre. Ça paraît simple, mais ça ne l’est pas tant que ça… Konishi garde toujours au cœur cette phrase de Gutlove: « Everything matters » (La moindre chose compte).

« Que je sois dans la vigne ou au chai, je travaille en me répétant que le moindre de mes gestes aura une influence sur le goût de mon vin, et en me murmurant sans cesse “Everything matters, everything matters…” ».

Son rosé est racé. Le goûter une fois, c’est ne jamais l’oublier.

Nom du domaine / Noborijozo

Superficie du vignoble / 1.9 ha

Vigneron / Fumiaki Konishi

Cépage et région / Zweigelt (Ville de Yoichi, département de Yoichi, région de Shiribe, Hokkaido)

Vinification / Fermentation douce pendant 12 mois avec des levures indigènes. Teneur totale en sulfites 40 ppm. Aucune chaptalisation ni correction d’acidité. Pas de filtration.

Conditionnement / 750ml

Prix / ¥2,700(taxe incluse)

Contact / Noborijozo

www.noborijozo.com

※ Dans cette série d’articles sur le vin naturel, nous présentons des vins naturels et en biodynamie, produits dans le meilleur respect possible de la nature, depuis la pratique culturale du raisin jusqu’à la vinification. Par « fabriquer naturellement », nous entendons « limiter au maximum l’intervention humaine ». Ainsi, la vinification doit se faire sans addition de sulfites au moment du cuvage ou de la mise en bouteille. Les intrants doivent être réduits au strict minimum, et le vigneron recourir aux levures indigènes – en opposition aux exogènes – pour diriger la vinification, sans aucun ajout. Il s’agit aussi de ne pas chaptaliser ni corriger l’acidité, de n’utiliser aucun agent de collage, ni filtre. » En ce qui concerne la pratique culturale, elle est supposée ne faire aucun usage de pesticides chimiques, mais les conditions climatiques du Japon rendant l’agriculture biologique très compliquée, une utilisation a minima des pesticides est parfois nécessaire. D’autre part, nous partons également du principe qu’il n’est fait usage d’aucun herbicide ni engrais chimique. Arriver à produire un vin selon ces méthodes implique de pouvoir cultiver des raisins sains et consacrer une attention scrupuleuse à la vinification. Dans cette série d’articles, nous vous présentons des vignerons, et les vins qu’ils fabriquent en cultivant la vigne aussi naturellement que possible dans le respect du climat local.