Quatre adresses où savourer des bols de nouilles créatifs

D'un laboratoire de “sōmen” sur mesure aux “udon” à la mousse de curry façon crème fouettée, ces nouilles n'ont pas fini d'étonner.

16.10.2025

PhotographiesTaro Oota, Nanako Ito Texte et éditionHiroya Ishikawa, Hajime Sasa

Faut-il chercher la fraîcheur dans un bouillon glacé, le réveil dans une pointe d’épice, ou s’abandonner au travail d’orfèvre des artisans ? Cet été, à chaque style sa dégustation. Quatre établissements en particulier se distinguent par leur créativité et leur approche contemporaine des bols de nouilles.

Des “soba” singulières aux racines de coriandre

L’assiette phare de l’été, “Yamamori Pakuchi Shirasu to Karasumi” (1 540 ¥). La coriandre y est servie entière, avec ses racines frites, et rehaussée d’une pointe de “ra-yu” (huile pimentée).

À la tête de Yose, un espace hybride où mode, disques vinyles et beaux livres côtoient une cuisine inspirée, le directeur artistique Takayuki Minami imagine un lieu qui fonctionne comme un select shop du goût et de la culture. Au cœur de la boutique, un comptoir en U accueille les convives dans un esprit modernisé du sobamae – cette tradition qui consiste à boire un verre accompagné de petites assiettes avant de déguster ses soba.

Au menu figurent des spécialités sélectionnées aux quatre coins du pays : des gyoza grillés de la cheffe Micchan de Toyama aux cocktails et snacks de l’izakaya kyotoïte Okute. Mais la véritable signature se trouve dans les soba, préparées à partir des nouilles nihachi soba (80% de farine de sarrasin et 20% de farine de blé, un équilibre raffiné) du restaurant Suba à Kyoto et agrémentées de garnitures de saison.

L’assiette phare de l’été, “Yamamori Pakuchi Shirasu to Karasumi”, impressionne autant par son audace visuelle que par ses saveurs. Elle est servie dans un bouillon dashi typique du Kansai, délicat mais profond, à base de rishiri konbu (un konbu plus doux et salé), de bonite, de maquereau et de sardine urume. On picore en premier la garniture. Consistant en un amas (littéralement « yamamori ») de coriandre entière incluant même les racines, de petits poissons shirasu haut de gamme du fabricant traditionnel Yamari et de karasumi (poche d’œufs de mulet), elle se trouve être l’accompagnement parfait d’un bon verre. La dégustation se termine en savourant les soba : une façon élégante et contemporaine de redécouvrir cette tradition.

Le comptoir en U qui structure la salle. La carte propose une sélection de bières artisanales qui s’accordent bien avec les “soba”, ainsi qu’une offre de vins nature, dont la plupart des bouteilles se situent entre 3 000 et 4 000 ¥.

Yose

Adresse : 3-38-10 Yoyogi, Shibuya-ku, Tokyo 1F

Téléphone : +8103-6381-6131

Ouvert de 11h30 à 23h.

Fermé le mercredi.

www.instagram.com/yose_tokyo

Un laboration de “sōmen” avec mentaiko sur mesure

Les “sōmen” à la crème de “mentaiko” (1 474 ¥) associent la puissance des œufs de morue à la douceur de la crème fraîche. Garnies de “shiso” et de sésame, elles séduisent par leur onctuosité et leur légèreté.

À Tokyo, Sōmen Sososo se consacre exclusivement aux sōmen d’exception, élaborés à partir de la variété artisanale Shima no Hikari de Shōdoshima, l’une des trois régions grandes productrices de sōmen au Japon. L’approche est expérimentale : tout – de la quantité au type de nouilles en passant par l’assaisonnement et les garnitures – peut être personnalisé. Une nouvelle manière de savourer les sōmen. L’idée : transformer chaque bol en terrain de recherche, où clients et personnel deviennent « chercheurs ».

Un pesto de tomate évoque l’Italie, l’ajout de shiso donne une note japonaise, et les combinaisons semblent infinies. Pour guider les hésitants, le restaurant met à disposition des « rapports de recherche », qui suggèrent des assemblages testés et validés. Parmi eux, un sōmen au mentaiko (œufs de poisson marinés) attire l’attention. Servi en portions généreuses (une botte et demie de nouilles), nappé d’une sauce riche mais adouci par la légèreté propre aux sōmen, il met en valeur une pâte d’une fermeté surprenante. Une relecture inventive qui bouleverse l’image des sōmen traditionnels.

Les nouilles Shima no Hikari existent en trois gammes : le ruban rouge, standard, le ruban noir à base de blé d’Hokkaidō, et le ruban or, élaboré à partir de blé destiné à l’“udon” de Sanuki. Leur fermeté est telle qu’elles se dégustent même sans assaisonnement.

À gauche : le logo néon signale l’entrée. La carte inclut vins nature, bières artisanales et sakés, à savourer avec des plats à partager, avant de terminer par un bol de “sōmen”. À droite : l’intérieur, volontairement dépouillé, évoque un laboratoire. Le personnel, vêtu de blouses blanches, sert les boissons dans des verres en forme de bécher – une véritable “expérience culinaire”.

Sōmen Sososo Kenkyūshitsu

Adresse : Shibuya Hikarie 6F, 2-21-1 Shibuya, Shibuya-ku, Tokyo

Téléphone : +8103-6450-6795

Ouvert de 11h à 22h.

Fermé les jours de fermeture du Shibuya Hikarie.

www.instagram.com/somensososo

La fraîcheur du citron “sudachi” et la douceur de la figue

Les “soba” froides “Sudachi Ichijiku” (1 500 ¥). La carte comprend également des plats de riz, comme le “Dashi gohan au beurre et aonori” (350 ¥).

Ouvert à Kyoto un soir de réveillon 2021, Suba s’est imposé comme l’un des pionniers du tachigui soba (soba à déguster debout) en version contemporaine. En 2024, l’enseigne s’installe à Shibuya, partageant ses murs avec la cave à vin Virtus – le premier étage pour les nouilles, le second pour les bouteilles.

La carte décline une dizaine de soba signatures, complétées de trois créations saisonnières mensuelles. Parmi elles, des associations intrigantes : palourdes shijimi du lac Shinji et huile de mandarine verte, ou encore champignons funagata et karasenju (similaire au karasumi mais réalisé à partir d’œufs différents). Cet été, la proposition la plus saisissante est le “Sudachi Ichijiku”. Sur les nihachi soba maison, une pluie de fines tranches de citron sudachi de Tokushima et de figues d’Awaji compose un tableau vibrant. La vivacité acidulée de l’agrume rencontre la douceur du fruit, relevée par une touche d’huile d’olive. Une composition lumineuse, équilibrée et inattendue, idéale pour se rafraîchir par fortes chaleurs.

Un décor brut signé YUSUKE SEKI STUDIO, déjà à l’origine du restaurant de Kyoto. Les tables ont été volontairement inclinées.

La carte des boissons propose une sélection de bières artisanales et de vins au verre, mais aussi la possibilité d’apporter un vin acheté à l’étage, chez Virtus. On y trouve même une création hybride : le “Vin Dashi-wari”.

Suba VS

Adresse : 1-15-8 Miyamasu On Building 1F, Shibuya, Tokyo

Téléphone : +8170-3080-1847

Ouvert de 12h à 23h.

Fermeture irrégulière.

www.instagram.com/subasoba_vs

Un curry “udon” tout en blanc

Le “Curry udon blanc”, proposé en version douce ou relevée (1 320 ¥). La mousse de pomme de terre montée en neige se mêle progressivement au bouillon de curry au bœuf, pour un équilibre onctueux.

Dans un registre plus surprenant encore, Udon Roji à Kanagawa propose une variation de l’udon qui emprunte ses techniques à la gastronomie française. Le plat signature, un “Curry udon blanc”, intrigue par son apparence de dessert. Cette blancheur est celle d’une émulsion à base de pomme de terre, montée en neige selon une technique classique de la cuisine française. L’onctuosité aérienne de cette mousse s’ouvre sur la douceur du tubercule, avant de laisser place à un bouillon de curry aux épices maîtrisées qui déploie son umami.

Les nouilles, épaisses et moelleuses, rappellent la générosité propre aux udon, tandis que le bouillon mêle fond de bœuf et dashi de bonite pour une profondeur raffinée et pourtant digeste. La structure en trois strates – mousse, nouilles, bouillon – crée une expérience en cascade, où chaque couche se dévoile tour à tour avant de s’harmoniser. Un plat qui séduit autant par son esthétique que par sa précision, et dont la plupart des clients finissent par boire jusqu’à la dernière goutte.

Les “udon” maison sont préparées avec une farine complète d’Hokkaidō, rarement utilisée pour ce type de nouilles. Leur parfum et leur texture dense traduisent l’exigence du lieu envers ses ingrédients.

Un intérieur de style japonais chic contemporain, avec claustras et finitions soignées. Le soir, brochettes de qualité et sakés se savourent avant un bol final de “udon”.

Situé à deux pas des rues animées de Mizonokuchi, l’établissement est aussi réputé pour son “Udon au mentaiko et mascarpone” (1 320 ¥) ou son “Tempura Udon” (1 430 ¥).

Udon Roji

Adresse : 1-11-7 Mizonokuchi, Takatsu-ku, Kawasaki, Kanagawa

Téléphone : +8144-811-6644

Du lundi au vendredi : 11h30 – 15h / 17h – 23h. Samedi, dimanche et jours fériés : 11h30 – 23h.

Fermé du 1er au 4 janvier.