Shojin Ryori, la cuisine végétarienne bouddhique japonaise
©Atsushi Sano
Une soupe et trois plats issus de végétaux de saison, locaux si possible, le tout accompagné d’un bol de riz. Tel est le principe du « ichiju sansai », la forme de repas traditionnelle japonaise, transposée en version végétarienne pour la shôjin ryôri. Littéralement « cuisine de dévotion », celle-ci est intimement liée au bouddhisme et se déguste généralement dans des temples. Elle se caractérise par sa simplicité et son refus du gâchis.
La shojin ryori se développe à partir du XIIIème siècle au Japon, en concomitance avec l’expansion du bouddhisme Zen et de moines comme Dogen. Ce dernier participe beaucoup à la codification de la méditation assise, dite zazen. Or, la cuisine de dévotion doit accompagner la pratique de la méditation et favoriser l’équilibre et l’alignement du corps et de l’esprit. On y retrouve donc des aliments frais et légers. Mais pas de viande, car tuer des animaux brouille l’esprit et est contraire aux principes du bouddhisme. De même pour les saveurs trop prononcées qui sont à proscrire, comme celles de l’ail et de l’oignon, par ailleurs des plantes à racine dont l’arrachage est aussi condamné.
Les aliments les plus communs en shojin ryori sont donc ceux à base de soja comme le tofu de toutes sortes (dont le goma-dofu, sa version au sésame), les plantes sauvages de montagne telles le kuzu ou encore des racines . Souvent, un repas se doit de respecter la règle des « cinq ». Les cinq couleurs tout d’abord avec une préférence pour des ingrédients blanc, vert, jaune, rouge et sombre (noir). Aux couleurs s’ajoutent les cinq goûts : le doux, l’amer, le salé, l’acide et l’insaisissable « umami », dit savoureux. Enfin, il faut aussi satisfaire aux cinq méthodes de préparation avec un aliment cru, un mijoté ou en ragoût, un bouilli, un rôti et un cuit à la vapeur. Si l’on souhaite pousser le perfectionnisme plus loin, on peut aussi satisfaire à la théorie des cinq éléments ou godai.
Malgré toutes ses règles et son apparente simplicité, la shojin ryori est on ne peut plus savoureuse. Elle privilégie le goût naturel des aliments, qu’elle fait ressortir sans abuser d’assaisonnement. Comment résister à un plat de nasu dengaku, des aubergines caramélisées au miso ? Ou encore à une poignée de tempura de légumes, à la délicieuse friture. Tout dans la préparation est pensé pour limiter le gaspillage. Les peaux ou tiges des légumes et plantes sont par exemple réutilisés pour aromatiser le bouillon. Quant aux feuilles, elles peuvent servir de décoration. Mais tout doit être mangé ! Et sans faire de bruit, comme le prescrit la tradition.
Pour goûter à la shojin ryori, rien ne vaut un détour par Koyasan et ses multiples temples qui proposent le shukubo, l’hébergement, accompagné de repas typiques de la cuisine de dévotion. Ou alors une excursion en montagne à Nagano où se trouve le Zenko-ji, l’un des plus anciens temples du Japon où sont préservées des traditions bouddhiques millénaires.
De quoi se rapprocher de la nature comme le faisaient les yamabushi, moines de la montagne, qui ne juraient que par le shugendo. Un ascétisme censé mener à la spiritualité et dont nos sociétés frénétiques ne sauraient que trop s’inspirer.
©Atsushi Sano
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