Mains, pieuvres et maison de poupée

Dans la vidéo “Dolefullouse”, l’artiste Tabaimo illustre la perte de repères de la société japonaise, en s’appuyant sur ses symboles.

25.01.2021

TexteHenri Robert

Tabaimo, “DolefullHouse” © James Cohan Gallery

Des récits animés, entre comique et grotesque, sur fond de réalité tragique. C’est ainsi que sont construits les films grinçants de Tabaimo.

L’artiste, de son vrai nom Ayako Tabata, est née en 1975 et vit et travaille à Nagano. Elle s’est formée dans un premier temps à la peinture japonaise à la University of Art and Design de Kyoto, avant de s’installer à Londres et de travailler au sein de l’agence de l’illustrateur Jonathan Barnbrook. Depuis son retour au Japon en 2005, elle se consacre entièrement à sa pratique artistique. Elle atteint la reconnaissance internationale en 2011 lorsqu’elle représente le Japon à la Biennale de Venise avec son installation vidéo teleco-soup.

Entre art vidéo, film d’animation et dessin, Tabaimo associe de multiples références. L’univers de l’artiste réunit les codes culturels régulièrement liés au Japon et dépeint des maux propres à sa société contemporaine. L’artiste propose, à travers l’humour noir, une critique d’une société dure, en perte de repères.

 

Le surréalisme comme outil de réflexion

Dans DolefullHouse (2007, 6:21), l’artiste présente une maison de poupée et un univers bourgeois qui évolue au fil du temps, dans une atmosphère surréaliste. La vidéo démarre par « l’ouverture » de la façade de la maison par des mains humaines, libérant l’eau contenue dans la demeure. Les mains se glissent ensuite dans la maison, mettent en ordre l’intérieur, y ajoutent meubles et décor. Au fil des minutes, les mains commencent à se gratter frénétiquement, et des pieuvres — animal à forte charge symbolique dans la culture japonaise —, tentent de s’introduire à l’intérieur. Les gestes se font plus brusques et les mains finissent par s’introduire dans la maison, fragilisant l’édifice. Lorsque la façade se referme on peut apercevoir, plongés dans l’eau, des organes humains. Le message de l’artiste peut sembler confus, l’action peut prêter à diverses interprétations. Tabaimo se refuse toutefois à en dévoiler la signification, laissant au public la possibilité de se forger sa propre opinion.

L’originalité de l’œuvre repose sur une articulation particulière des symboles de la culture japonaise (ici, une pieuvre), des lieux et environnements communs et de la technique de l’animation, très populaire dans l’archipel.

Dans un autre registre de son œuvre, la série de dessins flow-wer, représente des fleurs qui jaillissent d’organes humains. Son œuvre est entrée dans les collections des plus grandes institutions telles la Fondation Cartier pour l’Art contemporain (Paris), The Japan Foundation (Tokyo) et le Museum of Contemporary Art (Los Angeles).

 

DolefullHouse (2007), une vidéo réalisée par Tabaimo, une artiste représentée par la James Cohan Gallery.

 

Tabaimo, “DolefullHouse” © James Cohan Gallery