Comment l’esthétique kawaii a-t-elle conquis le monde ?
©JNTO
On la considère comme étant l’apogée du mignon. Si l’esthétique kawaii s’est aujourd’hui implantée aux quatre coins du monde, c’est au Japon qu’elle trouve ses racines. Retour sur les origines, l’expansion et l’exportation de ce culte de la mignonnerie.
C’est au cours des années 1970 – lorsque, parallèlement, la culture punk britannique émergeait – que la culture kawaii (qui signifie adorable, mignon) voit le jour. Pour se rebeller contre les traditions de la société japonaise, des étudiants lancent alors un mouvement de protestation en s’exprimant de façon très enfantine et en adoptant une garde-robe tout en fanfreluches qui rappelle immédiatement l’univers des princesses et l’imaginaire de l’enfance. Ces tenues en tulle rose-bonbon, en dentelles ou en divers froufrous s’accompagnent souvent d’innombrables accessoires tels que des peluches, des portes clés Studio Ghibli, ou encore des serre-têtes à oreilles de chat, qui participent d’autant plus à la mignonnerie de cette contre-culture.
Contrairement aux adolescents occidentaux, qui eux, vont reproduire des comportements d’adultes comme boire, fumer, faire la fête ou se faire tatouer, les jeunes japonais agissent en opposition aux adultes et adoptent des attitudes régressives. Un parti pris pour se distancier de l’âge adulte et retarder les angoisses qui accompagnent la prise de responsabilités. Une nouvelle façon de protester à la Peter Pan contre les injonctions de maturité, tel que l’explique l’anthropologue Sharon Kinsella.
©JNTO
Cette esthétique pour le moins extravagante n’est pas anodine puisqu’elle se situe aux antipodes de la culture japonaise traditionnelle, valorisant – entre autre – le stoïcisme et la retenue. Le kawaii se révèle donc être une forme d’échappatoire où tout est beau, mielleux et rose. Cette culture alternative a par exemple donné naissance aux émojis ainsi qu’à la marque Hello Kitty, lancée par le designer Sanrio, en 1974. Le kawaii, c’est donc l’art de mêler les concepts traditionnels japonais de pureté, à l’esthétique des poupées façon Hello Kitty.
À l’heure actuelle, le kawaii est largement répandu au sein de la société japonaise, mais pas seulement. À Paris, les amateurs du kawaii peuvent trouver des perles rares dans de nombreuses boutiques spécialisées à l’instar de Cool Japan, Yodoya ou encore Whaou. Conscient de l’envergure internationale du kawaii, le gouvernement japonais est même allé jusqu’à recruter des ambassadeurs qui ont pour mission de répandre cette culture du mignon à travers le monde.
©Sui San
Un pari largement relevé puisque aujourd’hui, les japonaises férues du kawaii ont essaimé dans la mode, loin du minimalisme japonais prôné par des créateurs tels que Yohji Yamamoto ou Rei Kawakubo. La mode kawaii est quant à elle plus colorée et démesurée, et elle a déjà conquis le coeur de plusieurs stars américaines de Katy Perry à Lady Gaga en passant par Ariana Grande. Cette mode excessive incite à l’expression de soi et va à l’encontre des valeurs prônées par le Japon, telles que la conformité et la discrétion. Cette esthétique kawaii illustre également la capacité des Japonais à s’affirmer tout en ignorant le regard des autres (parfois réprobateur).
Aujourd’hui, Tokyo est réputée à travers le monde pour ses street styles déjantés et pointus à la fois, et l’apparition de l’esthétique kawaii a vivement contribué à cette reconnaissance internationale. Pour refaire sa garde-robe au sein de la capitale japonaise, le quartier Harajuku est d’ailleurs devenu un repère incontournable. Mais le kawaii a dépassé les frontières de la mode et de la pop culture et on le retrouve désormais même à la carte de certains restaurants japonais.
©JNTO
LES PLUS POPULAIRES
-
L'île Awaji, berceau de l'encens japonais
L’île Awaji, située dans la mer intérieure de Seto, a vu naître la tradition de l’encens et continue de préserver cet art ancestral.
-
La vaporwave, l’obsession des années 1980
Ce genre musical, né sur internet dans les années 2010, se réapproprie un passé consumériste décrié sous couvert d'idéalisation.
-
Golden Gai, expérience nocturne dans le quartier des bars rétro
Cette constellation de près 200 bars situés dans le quartier de Shinjuku plonge les visiteurs dans l'ambiance nostalgique "showa retro"
-
“Mirai-chan”, face à face avec l'innocence propre à l’enfance
Pour ce livre publié en 2011, le photographe Kotori Kawashima suit la découverte des joies et peines du quotidien d'une petite fille.
-
Recette d'umeboshi par Karen Solomon
A la différence des prunes d'Occident, l'ume ne se consomme pas crue et est saumurée par les Japonais qui raffolent de ce condiment acidulé.