Haruomi Hosono, génie de la pop nippone

21.11.2019

TexteClémence Leleu

Courtesy of Sony Music Direct

Haruomi Hosono. Si vous n’êtes pas un adepte de la musique japonaise contemporaine, ce nom ne vous dit peut-être rien. Pourtant, il y a fort à parier que vous ayez déjà entendu la musique de cet artiste nippon qui fête en cette année 2019 ses 50 ans de carrière. Il signe en effet le thème de Nausicaa, la vallée du vent de Hayao Miyazaki (1984), ou encore la bande originale d’Une affaire de famille, le film de Hirokazu Kore-Eda, couronné de la palme de d’or à Cannes en 2018. Une très bonne entrée en matière pour découvrir l’œuvre prolifique de ce musicien, compositeur et interprète, sacré demi-dieu de la pop en son pays.

Un corpus foisonnant

Mais par où commencer ? Pour le novice, la production de Hosono est vaste, empruntant au rock, à l’électro, à la pop synthétique ou encore au folk. Que se soit au sein de ses deux groupes légendaires Happy End et Yellow Magic Orchestra, en solo ou alors dans l’ombre pour les vedettes de musique pop, Hosono sème çà et là des petites pépites musicales, et ce, depuis un demi-siècle. “Haruomi Hosono est très cohérent sur le temps long. Malgré l’immense variété de son œuvre, on retrouve toujours sa part excentrique, ses obsessions qui sont reconnaissables en un clin d’oeil”, explique Olivier Lamm, journaliste musical au quotidien Libération. “On pourrait dire que c’est un savant mélange entre Johnny Hallyday, Phil Spector et Jean-Michel Jarre.” Un musicien qui continue d’inspirer la jeune génération, à l’instar de Cornelius ou Pizzicato Five, jeunes groupes de Shibuya-key, style musical qui émerge au milieu des années 90 dans le quartier tokyoïte de Shibuya, aux sonorités pop largement inspirées par Hosono.

Haruomi Hosono naît en 1947, lorsque déferle sur les ondes japonaises une vague de musique américaine. L’artiste baigne donc dans une culture majoritairement anglophone et nombre de ses groupes préférés font résonner leurs riffs de guitares sur les côtes californiennes. Une omniprésence de l’étranger qui infuse ses compositions. “J’étais complètement américanisé, j’ai même regretté de ne pas être Américain”, confie Haruomi Hosono dans une conférence en 2014 à la Red Bull Music AcademyOn était déconnectés de nos propres racines. Je ne connaissais rien des musiques traditionnelles japonaises. J’ai appris l’importance de ces racines dans les groupes californiens, mais mon influence a été la littérature japonaise, surtout la poésie.”

Un creuset d’inspirations

Une influence américaine certes, mais qui ne peut résumer dans son intégralité l’inspiration de l’artiste selon Oliver Lamm. “Finalement Hosono baignait dans la musique que faisaient les Américains qui étaient eux-mêmes inspirés par le Japon. C’est une sorte de double inversion.” Au même titre que pour son album Cochin Moon qu’il enregistre après un séjour en Inde, Haruomi Hosono s’imprègne des cultures étrangères pour y insuffler sa propre culture. “La musique japonaise est en réalité un creuset postmoderne plus que des emprunts à l’extérieur”, poursuit le journaliste. 

Ultime preuve, s’il en fallait une, de l’attachement de l’artiste à sa culture nippone : alors même qu’il est obsédé par les États-Unis, Haruomi Hosono chante en japonais. Aucune trace de langue anglaise sur les pistes, à une époque où chanter dans la langue de Bob Dylan était pourtant le summum du cool. 

Courtesy of Sony Music Direct

Un artiste confidentiel en occident

Mais comment expliquer que les mélodies de Hosono et de ses groupes soient si longtemps restées confidentielles ? Cantonnées à l’archipel nippon, elles ont tout de même fait de petites incursions sur des blogs et forum de mélomanes occidentaux qui ont su dénicher ses albums et faire résonner la musique sur la toile. “On s’est construit une idée de la musique japonaise. On allait chercher des choses étranges et bizarres. La musique de Hosono ressemblait trop à ce qu’on pouvait déjà écouter”, détaille Olivier Lamm, qui découvre le musicien à la fin des années 90. “Il n’a pas vraiment envisagé de s’exporter. Être connu à l’étranger ça l’amuse mais dans le fond ça ne l’intéresse pas tant que ça. C’est un Japonais qui fait de la musique pour les Japonais et qui ne se posait pas la question de la réception et de l’exportation de son œuvre à l’international.”

Pour ceux qui voudraient découvrir la discographie de l’artiste, le label américain Light in the Attic publie pour la première fois en Occident cinq de ses albums, édités entre 1973 et 1989 :  Hosono House, le plus ancien, aux tons folk, Paraiso et ses sonorités teintées d’exotica, Cochin Moon, ramené d’Inde, Philarmony, un bijou technopop et enfin Omni Sight Seiing. Une très bonne entrée en matière en attendant, pourquoi pas, un futur nouvel album de cet artiste hors normes.