La vaporwave, l’obsession des années 1980
Ce genre musical, né sur internet dans les années 2010, se réapproprie un passé consumériste décrié sous couvert d'idéalisation.
© Vektroid - “Floral Shoppe”
Pour trouver la genèse de la vaporwave, direction Reddit, Tumblr ou 4Chan, des forums stars du début du XXIème siècle. Car c’est ici que ce genre musical plutôt confidentiel — et que certains estiment déjà mort, seulement dix ans après sa naissance — a éclos. Cette musique 2.0 est un savant mélange de pop des années 1990, de musique New Age, de funk ou encore de musique électronique. Le tout découpé, remixé, répété, afin de donner des titres bourdonnants auxquels sont souvent ajoutés des jingles commerciaux. Avec, aux manettes, des artistes fascinés par les années 1980 et 1990, durant lesquelles ils sont nés, et pour lesquelles ils ont développé une obsession.
« La vaporwave représente le capital dans son apparence la plus informe. C’est le fantôme des musiques d’entreprise, un genre de tombeau pour les centres commerciaux vides. Si tout ce qui est solide se fond dans l’air, alors la vaporwave est une critique de la musique créée dans le vide aérien de la société capitaliste », indique Grafton Tanner, dans son ouvrage Babbling Corpse: Vaporwave and the Commodification of Ghosts.
Au temps du Japon de tous les possibles
Lorsque l’on évoque la vaporwave, trois noms principaux ressortent : Daniel Lopatin, qui publie en 2010 l’album Eccojams Vol. 1 sous le pseudo de Chuck Person, James Ferrero connu pour Far Side Virtual et enfin Vektroid, connue sous le nom de scène “Macintosh Plus”, dont l’album Floral Shoppe est l’un des plus populaires du genre, notamment son titre “リサフランク420 / 現代のコンピュー”, vu plus de 38 millions de fois sur Youtube avant d’être supprimé en 2018 (le titre a été republié en 2019 et affiche des dizaines de millions de vues au compteur).
L’esthétique de la vaporwave s’appuie elle aussi sur l’imagerie des années 1980 et du début des années 1990, avec comme emblème la société japonaise, alors en plein miracle économique. Les clips convoquent Tokyo et ses paysages urbains éclairés de néons colorés, ses figures pop et son côté futuriste. Quand ce ne sont pas tout simplement des jingles d’annonces de trains qui sont insérés dans les morceaux. L’iconographie japonaise est aussi fortement présente. La vaporwave fige ainsi le Japon dans sa décennie de consommation effrénée, où tout semblait possible, avant que la bulle spéculative n’éclate. Si la vaporwave est déjà morte comme certains semblent le penser, reste toujours une question qui n’a pu être tranchée : ce micro genre musical est-il le marqueur d’une véritable obsession pour la société de consommation ou une manière de dénoncer le consumérisme effréné ?
Floral Shoppe (2011), un album de Macintosh Plus alias Vektroid, à retrouver sur son Bandcamp.
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