Le supermarché du son : Tower Records
Au Japon, la légendaire enseigne de magasins de musique a contribué à l'émergence de sous-cultures urbaines et reste très populaire.
Tower Records Shibuya at its 1995 opening. Courtesy of Tower Records Japan.
Depuis l’arrivée sur le marché de CD à prix réduits dans les années 1990, Tower Records — auparavant un empire multinational dans le secteur du disque, né dans une boutique de Sacramento —, a été contraint de fermer ses portes à des millions de fans de musique à travers le monde. Pourtant, 80 boutiques existent toujours au Japon, et le magasin rénové situé à Shibuya est aujourd’hui l’un des plus grands points de vente de musique au monde. D’ailleurs, le célèbre slogan « No Music, No Life » a initialement été inventé par les Japonais.
Plusieurs hypothèses peuvent expliquer les raisons du succès intact de Tower Records au Japon. Aujourd’hui, en pénétrant dans l’espace de Shibuya, les visiteurs peuvent toujours faire des découvertes en explorant le vaste supermarché de sons de 9 étages. Une cacophonie de genres s’échappe des présentoirs sophistiqués, qui associent stations d’écoute et clips diffusés en boucle. Au milieu de l’abondance de CD qui débordent de tous les étages et de leurs allées sans fin, on peut facilement oublier le reste du monde qui s’est en grande partie tourné vers les services de streaming. Les supermarchés musicaux comme Tower Records témoignent encore de l’attachement au support physique qu’est le disque, un medium qu’ils ont historiquement soutenu tout en assurant un rôle de prescripteurs au sein de la scène musicale tokyoïte.
Néons teintés et J-Pop hybride
Le développement de Tower Records au Japon dans les années 1980 a été initialement perçu comme un énorme pari — il était improbable qu’une société de vente au détail américaine ouvre sans aucun partenaire local. Mais le puissant marketing à la californienne de la musique étrangère, directement disponible à grande échelle pour la première fois, a été un succès pour les amateurs japonais souvent obsédés par la possession de leurs propres copies des disques américains. L’ouverture du magasin de Shibuya a provoqué des files d’attente s’étendant au coin de la rue pendant des semaines.
Plus important encore, l’arrivée de ces megastores a contribué à la naissance d’un écosystème créatif d’amateurs, de disquaires indépendants, d’artistes et de DJ, qui a achevé de mettre en lumière la mentalité pop unique de Shibuya. Tower Records a toujours été impliqué dans la première étape cruciale du processus, consistant à proposer une grande diversité de genres de musique occidentaux pour créer un microcosme où des sons très différents sont valorisés simultanément.
Au moment où Tower Records a décidé d’intégrer également de la musique japonaise à son catalogue, une nouvelle sensibilité urbaine avait déjà émergée. Elle était notamment incarnée par l’internationalisme ostentatoire de Pizzicato Five, l’esthétique follement kitsch du Shibuya-kei déconstruisant une gamme irrésistible d’influences pop, à la fois occidentale et japonaise, en un glamour psychédélique.
Alors que le magasin Tower Records de Shibuya est toujours un emblème de la ferveur japonaise pour la musique, en tant que centre commercial sonore, il continue de nourrir la mentalité post-moderniste de ses visiteurs.
Tower Records comprend aujourd’hui 81 magasins au Japon. Celui rénové de de Shibuya est situé au 1 Chome-22-14 Jinnan, Shibuya City, Tokyo 150-0041, Japon.
The iconic Tower Records Shibuya Building at its 1995 opening. Courtesy of Tower Records Japan.
Tower Records Shibuya post-renewal. Courtesy of Tower Records Japan.
Tower Records Shibuya post-renewal interior. Photo courtesy of Tower Records Japan.
Tower Records Shibuya post-renewal interior. Photo courtesy of Tower Records Japan.
Floor map of the renewed Tower Records Shibuya as published 1995 in 'bounce'. Courtesy of Tower Records Japan.
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