“Pluie Noire”, film sur le destin tragique des survivants de Hiroshima
Shohei Imamura s’intéresse aux trajectoires des rescapés condamnés par les pluies de radiations causées par la bombe atomique.
© 1989 Imamura Productions. Tous droits réservés © 2017 La Rabbia – EDV 2482
Le film Pluie Noire, adapté du roman éponyme de Masuji Ibuse, tient son titre du phénomène observé après les bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki. Les retombées radioactives prennent la forme d’une pluie noircie par les cendres et les poussières, et sont à l’origine de maladies que connaissent les survivants. Déchus de tout espoir, ces derniers sont le sujet central de Pluie noire.
Cinéaste important de la Nouvelle Vague japonaise, Shohei Imamura emprunte au néoréalisme italien pour raconter dès ses premiers films les conditions de vie précaires des classes populaires anéanties par la guerre. Il se fait connaître en Occident en 1969 avec La Femme insecte, puis devient l’un des habitués du Festival de Cannes. Il acquiert une reconnaissance internationale en 1983 grâce à La Ballade de Narayama (en compétition contre le Furyo de Nagisa Oshima) et L’Anguille (1997) qui reçoivent tous deux la Palme d’or. Également récompensé au Festival de Cannes 1989 avec le Prix du jury œcuménique, Shohei Imamura s’attache dans Pluie noire aux victimes de la bombe atomique, celles qui y ont succombé mais aussi celles qui en ont subi les ravages.
Discrimination des victimes de guerre
Le 6 août 1945, Yasuko, une jeune femme japonaise, fait route sur son bateau vers la maison de son oncle. Un terrible éclair déchire le ciel, et le bateau est rattrapé par la pluie radioactive provenant de la bombe larguée sur Hiroshima. Quelques années plus tard, Yasuko et sa famille vivent désormais dans un petit village de campagne où sont rassemblés plusieurs irradiés de la bombe rejetés par l’ensemble de la population. Malgré les efforts de son oncle pour aider Yasuko à se marier, rien n’y fait, tous les prétendants se défilent devant son statut d’irradiée.
Contrairement au roman, Shohei Imamura choisit de montrer l’horreur en face, et aborde la question de la discrimination, liée à l’idée de pureté dans la société japonaise. Il s’intéresse au sort des hibakusha, ces victimes défigurées et mutilées devenues des parias qui sont l’image vivante de la catastrophe, et qui renvoient à la honte de la défaite.
Pour se rapprocher d’un aspect documentaire, le cinéaste choisit une esthétique qui rappelle ses long-métrages des années 1960, en raison de son imagerie, de son ton et de ses thèmes radicaux. Il reconstitue magnifiquement la déflagration, filme les cadavres carbonisés qui jonchent les sols de villes rasées, montre l’enfer de la guerre en se concentrant sur le calvaire de ceux qui ont été condamnés à une longue agonie. Toutefois, plutôt que de choisir une approche spectaculaire, le réalisateur préfère centrer sa narration sur la vie quotidienne d’une famille qui a survécu aux bombardements atomiques, mais qui en subit les répercussions.
Ainsi, Shohei Imamura montre une fois de plus qu’il est l’un des observateurs les plus pertinents et provocateurs du cinéma japonais. Il jette un regard pessimiste sur la société japonaise à travers ce drame historique et familial, critique impitoyable des représentations officielles de l’histoire du Japon.
Pluie noire (1989), un film réalisé par Shohei Imamura et distribué par La Rabbia.
© 1989 Imamura Productions. Tous droits réservés © 2017 La Rabbia – EDV 2482
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