Quand l’amitié répare les torts causés aux morts
Dans le manga “My Broken Mariko”, Tomoyo ne peut pas rester sans rien faire après la mort de sa meilleure amie, victime de violences.

©Waka Hirako 2020 / KADOKAWA CORPORATION
Les scènes d’introduction se succèdent avec rapidité, de façon crue. On apprend très vite que la mort de Mariko est injuste, qu’elle a vécu mille atrocités aux mains de son père depuis sa plus tendre enfance et qu’après sa mort, sa plus proche amie Tomoyo ne peut souffrir de laisser ses cendres sous son emprise. Elle les dérobe donc à l’autorité paternelle et c’est avec cette petite urne sous le bras qu’elle prend la route, afin de rendre hommage à la disparue.
My Broken Mariko est le premier manga long de Waka Hirako à paraître. Il s’agit d’un manga en un seul volume, complété dans son édition française par la première publication de Waka Hirako, l’histoire courte Yiska. La mangaka signe une œuvre engagée qui traite de sujets aussi sensibles que le deuil, les violences faites aux femmes ou les relations intra-familiales.
« J’aime les histoires personnelles reliées à des questions de société », confie-t-elle à son éditeur Ki-oon. « Partir du micro pour parler du macro est pour moi un idéal en matière de narration. Je pense qu’il faut toujours inclure une dimension sociétale dans une œuvre, sinon elle manquera de résonance auprès des spectateurs ».
Encourager une prise de conscience des violences faites aux femmes
Les personnages de Waka Hirako ne se conforment pas aux stéréotypes de genre qui sont d’habitude l’apanage des mangas dits seinen (pour jeunes hommes). L’héroine de My Broken Mariko, Tomoyo, n’évoque pas à première vue la féminité la plus convenue, au contraire. Elle est impulsive, échevelée, fumeuse invétérée, un peu paumée et terriblement seule. Sa vie est bien loin des idéaux de réussite féminins communément admis.
Le coup de crayon de Waka Hirako dépeint en outre une personnalité sauvage, aux traits crispés, assez sombre et meurtrie quand il s’agit de faire face au deuil. Des images qui contrastent avec celles des rares moments de douceur et d’innocence lorsque Tomoyo se souvient des moments passés plus jeune avec son amie. Comment ne pas être frappé par le dessin pleine page de Tomoyo adulte, assise dans un bus, serrant comme en songe une petite Mariko, alors qu’en réalité c’est son urne et ses cendres qu’elle tient près de son cœur ?
Le propos de My Broken Mariko n’ambitionne pas de venger les injustices. Il révèle simplement que même au sein des situations les plus critiques, il est toujours possible de garder une part d’humanité. Sa sortie a d’ailleurs provoqué de nombreuses prises de conscience au Japon où la problématique des violences faites aux femmes, peu abordée en manga, attend toujours d’être saisie par une véritable volonté politique.
My Broken Mariko (2021), un manga de Waka Hirako édité par Ki-oon.

©Waka Hirako 2020 / KADOKAWA CORPORATION

©Waka Hirako 2020 / KADOKAWA CORPORATION

©Waka Hirako 2020 / KADOKAWA CORPORATION

©Waka Hirako 2020 / KADOKAWA CORPORATION

©Waka Hirako 2020 / KADOKAWA CORPORATION

© Ki-oon, 2021
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