Ici le service est bien compris

Hôtels de caractère #01

04.05.2018

TexteOdaira Namihei PhotographieMasatsugu Hidaka

Quel que soit l’hôtel que vous choisirez pour votre séjour dans l’archipel, vous serez toujours accueilli dans les meilleures conditions. Et ce n’est pas une nouveauté.

<<Il existe un grand nombre de ryokan(auberges japonaises) très confortables, le voyageur aura, pour la première fois, l’occasion de vivre à la japonaise. Bien que le confort et le service des ryokan japonais diffèrent grandemen de ce que connaissent les étrangers, ceux-ci seront très intéressés par l’ étude de cette vie nouvelle >>. C’est en ces termes que le Petit guide du Japon édité, en 1936, par la Direction générale du tourisme tentait d’expliquer aux futurs visiteurs la principale différence entre les hôtels de style européen, <<possédant tout le confort moderne, une bonne cuisine et un service soigné>>, et l’hôtellerie à la japonaise où l’on<< s’efforce de satisfaire de mieux en mieux les désirs des hôtes >>. L’importance accordée au service, qui se résume au Japon par le terme omotenashi, transparaît nettement dans cet ouvrage destiné à l’époque à attirer de plus en plus de touristes étrangers dans l’archipel.

Cette caractéristique reste aujourd’hui une priorité des professionnels et est même devenue un argument pour les responsables politiques du pays. Lorsqu’il a fallu convaincre les membres du Comité international olympique réunis à Buenos Aires, en septembre 2013, de confier l’organisation des Jeux olympiques de 2020 à Tokyo, l’un des éléments sur lequel les représentants japonais ont insisté est cette notion d’omotenashi qu’aucune autre ville concurrente ne pouvait revendiquer. Leur insistance à mettre en valeur cet élément a été payant puisque la capitale japonaise a été désignée et que l’expression s’est imposée comme un slogan publicitaire à l’extérieur et à l’mtérieur des frontières du pays. Ce terme recouvre à la fois la notion de service comme on peut le rencontrer dans bon nombre d’établissements hôteliers à travers le monde, mais aussi et surtout une dimension proprement locale qui met l’accent sur la capacité à anticiper et satisfaire les attentes de l’hôte. Là où dans certains hôtels à l’étranger, il vous faudrait demander telle ou telle prestation, au Japon où le sens de l’hospitalité est si bien développée, les employés devancent vos envies au point, parfois, de vous décontenancer.

Dans le Terry’s Guide to theJapanese Empire publié, en 1920, à New York qui fut longtemps considéré comme l’une des bibles touristiques sur le Japon, son auteur T. Philip Terry insiste sur <<l’étonnement que peut provoquer l’investissement personnel des propriétaires de ces établissements dans le soin apporté à l’accueil et au confort des visiteurs étrangers >>L. ‘écrivain Lafcadio Hearn, célèbre pour son livre Kwaidan, a rapporté son expérience dans une auberge où le patron lui avait préparé un bain chaud, avant d’insister pour le laver lui-même de ses propres mains, pendant que sa femme lui préparait un excellent repas, tout en regrettant de ne pas pouvoir faire davantage. Ne comptez pas aujourd’hui être lavé par le propriétaire du ryokan où vous descendrez, mais vous y recevrez un accueil comparable qui dénote un désir de fournir le meilleur confort au visiteur. En 1929, le sous-titre de la brochure conçue par l’Association des hôteliers japonais était<< A votre service>>. Cette idée maîtresse reste le leitmotiv de la très grande majorité des hôtels du pays. Du simple business hôtel, conçu pour les salariés en déplacement professionnel, au minshuku, sorte de bed & breakfast, très présent dans les régions où l’offre hôtelière n’est guère développée. A la différence de la France où l’on a institué des catégories où le nombre d’étoiles est censé déterminer la qualité du service, le Japon n’a pas besoin de ce genre de distinction puisqu’il est convenu d’offrir aux hôtes de passage un confort de haut niveau. Que vous séjourniez dans un établissement appartenant à une grande chaîne implantée généralement à proximité des gares ou dans le ryokan le plus raffiné, vous aurez rarement à vous plaindre de la literie ou de la propreté des lieux. Ce qui fera la différence de prix, celle-ci peut parfois surprendre, d’un établissement à l’autre, c’est le cadre dans lequel il se trouve et le soin avec lequel on cherche à s’assurer que le voyageur fasse partie intégrante de cet environnement. Cette approche est liée à l’histoire même de tous ces établissements qui ont vu le jour à mesure que les Japonais ont commencé à se déplacer dans le pays. Jusqu’au développement du chemin de fer à la fin du XIXe siècle, les voyages étaient limités du fait d’un relief montagneux qui compliquait les déplacements. Il n’existait que cinq grandes routes dont, la plus célèbre, celle du Tokaido, reliait Edo, ancien nom de Tokyo et centre politique du pays, et Kyoto, la capitale impériale. Les voyageurs qui l’empruntaient s’arrêtaient dans les 53 stations immortalisées sur les estampes du maître Hokusai, où ils étaient accueillis dans les yadoyahatagoya ou ryokan, comme on désignait alors, les auberges pour se reposer et se restaurer. Plus de 400 ans plus tard, on peut encore fréquenter ces lieux chaleureux où l’on a conservé le rythme de cette époque. Mais le plus intéressant à faire est de séjourner dans les différents styles d’hôtels du pays, y compris les fameux hôtels capsules, afin de comprendre que l’ omotenashi est une constante sans pareil au monde.

Hôtels de caractère —
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