À Asakusa, des personnalités se détachent du mur
Le photographe Hiroh Kikai passe de longues heures dans les rues de Tokyo à repérer les sujets de ses portraits, à l'aura singulière.

Hiroh Kikai, “Asakusa Portraits” © Steidl
Dans le quartier historique d’Asakusa, à Tokyo, devant les murs rouges du temple Senso-ji, passe chaque jour une foule compacte. Comment exister face à cette histoire, se démarquer des autres, mettre en lumière ce qui constitue une individualité ? La série de clichés en noir et blanc réalisée par Hiroh Kikai, intitulée Asakusa Portraits (1973-), est à découvrir dans un ouvrage publié en 2008.
Né en 1945 dans la préfecture de Yamagata, Hiroh Kikai étudie la philosophie à l’Université Hosei à Tokyo. Celui qui est passionné de cinéma commence sa vie professionnelle en tant que chauffeur routier, puis sur un chantier naval. Toujours intéressé par les sciences humaines, il commence à écrire une chronique pour le magazine Camera Mainichi, ce qui l’amène à découvrir le travail de Diane Arbus, qui fut pour lui une révélation. C’est en 1969 qu’il commence à réaliser ses propres photographies avec un appareil Hasselblad 500CM.
Langages corporels
Après de longues heures d’attente, voici qu’une figure se détache, qu’elle retient particulièrement l’attention du photographe. Comme le note Jim Casper dans un article publié par Lens Culture, Hiroh Kikai « explique qu’il attend de voir une “aura” se dégager d’un inconnu, qui signifie, “prends-moi en photo”, et il s’approche de la personne pour lui demander sa permission. » Certains jours, il réalise un ou deux portraits, d’autres, aucun. Au fil des années, il photographie parfois les mêmes figures — des clichés mis face à face dans l’ouvrage. L’échange avec les personnalités, généralement pas plus long qu’une dizaine de minutes, et ce que le photographe en retient sont retranscrits sous le portrait.
Parmi les 600 photographies réunies ici — d’individus seuls, en duo, ou accompagnés d’un animal —, se dégagent des langages corporels, des styles vestimentaires, une expression singulière. Ce qui frappe le regard est la puissance de la personnalité des individus capturés, de tous âges et conditions sociales, qui errent ou se rendent au travail, au style conventionnel, discret ou excentrique. Ils sont uniques, et cette différence est puissamment illustrée.
La série Tōkyō meiro / Tokyo Labyrinth, publiée en 1999, mettait en avant une autre facette du talent d’Hiroh Kikai, celle de photographe du paysage urbain.
Asakusa Portraits (2008), un livre de photographies par Hiroh Kikai, publié par ICP et Steidl.

Hiroh Kikai, “Asakusa Portraits” © Steidl

Hiroh Kikai, “Asakusa Portraits” © Steidl

Hiroh Kikai, “Asakusa Portraits” © Steidl

Hiroh Kikai, “Asakusa Portraits” © Steidl

Hiroh Kikai, “Asakusa Portraits” © Steidl
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