Après Fukushima, la cohésion de la société a t-elle eu des effets négatifs ?
La série “Invisible Machinery” du photographe Toru Ukai met en scène une société japonaise où de la solidarité est née l'uniformité.

“Invisible Machinery” © Toru Ukai
Notre société contemporaine repose-t-elle sur une structure cachée et invisible ? C’est à partir de cette théorie que travaille le photographe japonais Toru Ukai. Dans Invisible Machinery (2011-en cours), il explore une structure qui naît de nos désirs, mais dont la réalité, lorsqu’elle est capturée, « arrêtée » par la photographie, semble s’en être éloignée.
Diplômé en littérature de la Tokyo University en 1985, Toru Ukai s’est ensuite tourné vers la photographie et a été récompensé en 1998 par le 7th New Cosmos of Photography. L’artiste est représenté par la galerie Ibasho.
Une nouvelle forme de totalitarisme ?
Au lendemain de la catastrophe de Fukushima, Toru Ukai a été frappé par la réaction ambivalente de la société japonaise. Comme il nous l’explique, cet événement « a renforcé la solidarité, nous a encouragé à reconstruire notre société et à soutenir les victimes », tandis que d’un autre côté, il estime que l’épisode a « fait naître une forme de nationalisme et une société totalitaire. » Ce resserrement des liens entre la population aurait conduit à ne plus accepter la différence, à n’accepter que ce que le système recommande, le modèle à suivre.
Les clichés associés à Invisible Machinery montrent une société normée, un système qui tend à ce que toute la population adopte les mêmes codes. « La propreté, cet ordre étrange, évoque une sorte de totalitarisme, ou de standardisation. Des structures cachées sont à l’œuvre derrière ces scènes tragicomiques », juge Toru Ukai. Cette uniformité s’affiche ici dans l’univers professionnel ou les choix vestimentaires, et va de pair — contre-intuitivement — avec une forme d’aliénation créant une situation de solitude, malgré la densité des villes modernes, en termes d’architecture ou de population.
L’œuvre politiquement engagée de Toru Ukai se veut une critique du « capitalisme, du consumérisme, de la place de la technologie, de la standardisation, du contrôle et de la régulation », quand l’artiste défend la diversité et la liberté. Une photographie militante également mise en avant dans une autre série en cours, Whispering in the Suburbs, où le photographe présente des banlieues qualifiées « d’entrailles de notre société ».
Invisible Machinery (2011-en cours), une série photographique de Toru Ukai à découvrir sur son compte Flickr.

“Invisible Machinery” © Toru Ukai

“Invisible Machinery” © Toru Ukai

“Invisible Machinery” © Toru Ukai

“Invisible Machinery” © Toru Ukai

“Invisible Machinery” © Toru Ukai

“Invisible Machinery” © Toru Ukai
LES PLUS POPULAIRES
-
« C’est un plaisir sincère que mes objets soient reconnus comme appartenant au cercle du Mingei »
Les couverts de laiton soigneusement façonnés par Ruka Kikuchi dans son atelier de Setouchi sont appréciés dans tout le Japon et ailleurs.
-
« Le Mingei reste toujours insaisissable, cent ans après sa naissance »
Sō Sakamoto est un potier d’Onta-yaki, une forme de céramique datant du XVIIIe siècle mise en avant par Sōetsu Yanagi, fondateur du Mingei.
-
« On dit souvent qu’il faut apprendre de ses échecs… mais est-ce vraiment si simple ? »
Dans “Guide de survie en société d'un anti-conformiste”, l'auteur Satoshi Ogawa partage ses stratégies pour affronter le quotidien.
-
Du Japon vers le monde, des photographes appelés à s’imposer à l’international
Le T3 PHOTO FESTIVAL 2025 expose cinq photographes japonais émergents et confirmés, afin de soutenir leur rayonnement à l’étranger.
-
“Le Japon interdit”, l'oeil d’Irina Ionesco
Dans cet ouvrage, la photographe va au plus près des corps, révélant ceux, tatoués, de “yakuza” ou celui, érotisé, d'une artiste underground.



