“Bojoo” un regard tendre sur le Japon capturé par Jeremy Stigter
Dans cette série qui débute dans les années 1990, le photographe expose le point de vue d'un étranger installé dans le pays de longue date.

© Jeremy Stigter
Bojoo est un projet photographique réalisé par Jeremy Stigter, qu’il définit comme étant une « série d’études d’une réalité qui m’est intime autant qu’elle m’est souvent apparue comme une sorte de théâtre vivant ». Le Japon et sa culture sont au coeur de son projet, qu’il choisit de narrer d’après sa propre expérience : celle d’un étranger installé au Japon.
Natif des Pays Bas (La Haye), Jeremy Stigter vit et travaille depuis maintenant plus de trente ans à Paris. Après des études en Histoire passées au sein de la London School of Economics and Political Science et en sciences politiques au Collège d’Europe à Bruges, il décide de voyager aux quatre coins du monde.
Depuis toujours, le photographe est attiré par la culture japonaise, « peut-être à cause de toutes ces gravures sur bois que nous avions dans ma maison d’enfance », nous confie-t-il. C’est d’ailleurs pendant un long séjour au Japon que Jeremy Stigter s’attelle à la photographie, en 1986, alors qu’il vivait à Yotsuya.
Saisir la nostalgie
Il s’achète alors son premier appareil photo. « À cette époque Tokyo était très différent d’aujourd’hui, il y avait beaucoup moins d’étrangers installés au Japon, je me sentais vraiment isolé, voire presque coupé du monde car il n’y avait pas internet », ajoute-t-il.
Un sentiment de solitude qui le pousse à aller à la rencontre des gens et à immortaliser cette sensation étrange et nouvelle par le biais de la photographie. Une manière pour l’artiste de documenter son quotidien. De là est né Bojoo. « Un concept japonais qui se traduit par nostalgie, chérir un souvenir, avoir un désir pour, et même une langueur amoureuse… », précise le photographe.
« Ce projet a vu le jour un peu par hasard, et s’est ensuite révélé être un moyen idéal pour découvrir le Japon. Bojoo a commencé naturellement au cours du printemps 1989, alors que je voyageais un peu à l’aveugle, sans avoir d’itinéraire précis et encore moins l’idée de faire un reportage sur le Japon. J’ai pris quelques photos, sans penser qu’elles seraient plus tard les prémices d’un grand projet qui aujourd’hui me tient tout particulièrement à coeur. C’est pourquoi j’ai l’impression que lorsqu’on découvre ces photos prises à cette époque, on ressent cette insouciance, comme si rien n’était calculé, et c’était le cas », raconte Jeremy Stigter.
La photographie comme documentaire
Un regard attendrissant et des images douces et émouvantes qui confrontent réalité et imaginaire. Vivement influencé par la littérature et le cinéma, Jeremy Stigter est fasciné par la fonction documentaire de la photographie, son effet psychologique et ses possibilités narratives.
« La photographie m’a permis de lâcher prise. Je n’ai jamais vraiment cherché à faire de belles photos parfaitement cadrées mais plutôt à capturer des moments qui me sont chers, pour essayer de garder ces souvenirs éveillés à jamais. Aussi, j’ai depuis toujours préféré laisser les choses venir à moi plutôt que de m’imposer un quelconque sujet. Et c’est comme ça que s’est construit Bojoo. »
Capturer le quotidien avec sensibilité
La série regroupe plusieurs centaines de photographies prises entre mai 1989 et février 2013 et ne cesse d’être alimentée au fil des années.
Ce qui caractérise le travail de Jeremy Stigter, c’est incontestablement une grande sensibilité, doublée d’une qualité d’observation et d’un regard dénué de tout préjugé. Le photographe sublime certaines banalités qui encombraient jusqu’alors notre imaginaire relatif au Japon et à sa culture, si mystérieuse aux yeux des Occidentaux.
Bojoo ne révèle que des photographies en noir et blanc, par préférence esthétique personnelle mais également parce qu’ainsi, on « contrôle mieux la prise de photo, le développement et son impression », explique l’artiste.
Le photographe, représenté par la galerie parisienne Maria Lund, a déjà été exposé Bojoo à Paris ainsi qu’à Rome.
Le travail de Jeremy Stigter est à retrouver sur son compte Instagram.

© Jeremy Stigter

© Jeremy Stigter

© Jeremy Stigter

© Jeremy Stigter
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