Face à une société uniformisée et aliénante, s’enfuir ?
La série “Time to go back... to the moon” de la photographe japonaise Kawori Inbe montre une jeunesse féminine désorientée.

“Time to go back... to the moon” © Kawori Inbe
Dans la mégalopole de Tokyo, les nouvelles générations subissent de plein fouet la course à la consommation et le rythme effréné de la vie citadine. De plus en plus de personnes, tombées dans une forme de dépression, se mettent en retrait du monde pour se refermer sur elles-mêmes, dans leur propre univers. La photographe japonaise Kawori Inbe immortalise ce phénomène à travers des portraits de jeunes femmes dans la série Time to go back… to the moon, publiée en 2013.
Née en 1980 à Tokyo, l’artiste explique dans l’ouvrage que « lorsqu'[elle] prend des photographies, [elle] ne s’intéresse que peu aux dimensions superficielles de beauté ou de jeunesse », elle cherche plutôt à mettre en lumière la spécificité, la diversité des personnalités, enfouie dans l’uniformisation des modes de vie, l’omniprésence des écrans, les gadgets qui nous entourent et encombrent notre quotidien.
Individualiser les vies
Dans ces photographies réalisées entre 2004 et 2013, Kawori Inbe présente des vies dans un environnement aliénant, étouffées par la technologie et la pression à la consommation où l’individualité disparaît. Le titre de la série est inspiré d’un conte japonais anonyme du Xème siècle, intitulé Le Conte du coupeur de bambou, dans lequel une jeune fille, Kaguya-hime, qui dit venir de Tsuki no Miyako, la capitale de la Lune, apparaît mystérieusement.
Quant aux sujets de son travail, l’artiste explique qu’elle préfère immortaliser des femmes, car celles-ci, « se mettent face à un appareil photo lorsqu’elles veulent se regarder objectivement, se voir sous un angle différent ou s’affirmer d’une manière ou d’une autre. » Car Kawori Inbe ne photographie pas l’action, mais l’énergie qui se dégage du regard. Les clichés présentent des scènes absurdes, avec des sujets allongés en bas d’un écran géant dans la rue, agrippés au milieu du chaos d’un appartement, ou algues à la bouche, sur la plage, allégories de situations personnelles qui, réunies, offrent un regard plus large sur la société, et ses failles.
Pour aller plus loin dans le travail de l’artiste, la série Imperfect Cats publiée en 2018 présente 62 femmes, dans des photographies mettant ouvertement en avant les imperfections des sujets.
Time to go back… to the moon (2013), un livre de photographies par Kawori Inbe publié par AKAAKA.

“Time to go back... to the moon” © Kawori Inbe

“Time to go back... to the moon” © Kawori Inbe
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