Kayo Ume et les ingénus du coin de la rue

À la sortie des classes, la photographe prend part aux jeux des écoliers et nous fait vivre l'euphorie. Immersion dans un groupe d'amis.

16.02.2021

TexteMarie-Charlotte Burat

“Danshi” 2000-2002 © Kayo Ume

La cloche sonne, l’école est finie. C’est la jonction d’une journée de travail et du calme au sein du cocon familial. Ce moment de répit entre amis où, le temps d’un trajet retour, tout est permis. Sur cette route de l’euphorie, les enfants ont croisé celle de Kayo Ume et de son objectif.

Diplômée de l’Institut japonais de la photographie et du cinéma, cette artiste originaire de la Préfecture d’Ishikawa capte les instants d’humour et de légèreté dans leur quotidien. Née en 1981, elle réalise sa série Danshi (jeune homme) en 2000, alors qu’elle commence tout juste sa carrière. Des clichés spontanés d’écoliers à Osaka, qui s’amusent d’un rien et rient comme ils respirent, laissant entrer Kayo Ume dans leur jeu et nous en faire le portait.

 

Une jeunesse en liesse

Grimaces. Langues tirées. Yeux qui louchent. Confiseries dans le nez. Tout est bon pour faire glousser les copains. Parmi ces visages déformés, celui d’un sourire rayonnant, plein de dents et d’éclats de joie, rythme ces images. Seuls ou en bande, les écoliers font le show. À grands coups d’acrobaties et de chutes anticipées, ils dépensent une énergie propre à celle de la liberté. C’est mieux que la récré. Mélange de fatigue et délassement, les blagues fusent et l’allégresse suit. Ce sont des instants de complicités, qui forgent les amitiés. Ensemble, ils sont invisibles. Le spectateur, comme la photographe, est le témoin actif de ces extravagances, rit avec eux sans jamais porter un regard moqueur. L’absurdité répond ici aux obligations, aux contraintes du quotidien, à la manière d’une balance qui s’équilibre.

Photographe de rue, Kayo Ume se fie à la spontanéité. « J’observe chaque jour différentes personnes dans différentes villes ». Toujours prête à braquer son appareil sur les scènes qui l’interpellent. Il faut savoir être vive, elle n’aura pas de seconde chance. Lors de ses trajets réguliers, Kayo Ume avait déjà repéré l’énergie de ces enfants avant de réaliser ses clichés. Délaissant parfois la composition au profit de l’instantanéité, les photos transpirent cette magie du moment bien choisi, et vibrent sous les éclats de rire. « J’aime les phénomènes qui se produisent spontanément parce que les images mises en scène ont parfois l’air si fausses », nous explique l’artiste. « Je trouvais ça cool que les garçons d’environ 9 ans aient un niveau d’intensité que les adultes n’ont pas. Je les admire aussi pour avoir dit et fait des choses ridicules de manière sérieuse. »

 

Disséquer les dynamiques de groupe

Mélange de sociologie et d’humour, les photos de Kayo Ume dévoilent un quotidien parsemé de rencontres et de gaieté, une insouciance créative chère à l’artiste. En prenant pour modèle un groupe spécifique dans lequel elle s’immisce, ici des écoliers, la photographe nous livre une vision très précise de leurs habitudes, des codes sociaux qui nouent implicitement les groupes d’amis et cimentent les relations.

Si elle était ici d’abord extérieure à la scène, Kayo Ume a également réalisé une série de photographies en captant son propre environnement. Lors de ses études à l’université, elle a ainsi débuté le projet Junior High School Girls, avec des camarades de classe ou de dortoir, dont elle faisait elle-même partie. Ces premières œuvres ont fondé la réputation de l’artiste, qui a ensuite poursuivi sa démarche dans l’espace public avec Noto ou dans son intimité avec Long Live Grandpa !

 

Le travail de Kayo Ume est à retrouver sur son site internet ou son compte Twitter.

“Danshi” 2000-2002 © Kayo Ume

“Danshi” 2000-2002 © Kayo Ume

“Danshi” 2000-2002 © Kayo Ume

“Danshi” 2000-2002 © Kayo Ume