La société japonaise face à l’automutilation
Le photographe Kosuke Okahara a suivi le parcours de six jeunes filles en souffrance dans “Ibasyo -Self-injury, proof of existence-”.
“Ibasyo -Self-injury, proof of existence-” © Kosuke Okahara
Kosuke Okahara montre au public une réalité crue, celle née des migrations forcées, des drames politiques ou sociaux. Dans la série Ibasyo -Self-injury, proof of existence-, entamée en 2004, il s’est intéressé à un phénomène que la société japonaise refuse de voir et d’affronter, l’automutilation des adolescentes.
Né en 1980 et ancien membre de l’agence VU’, c’est en entendant une jeune fille prononcer la phrase Ibasyo ga nai soit « je n’ai pas ma place », que Kosuke Okahara décide de se lancer dans ce projet, qui s’étalera sur huit années. Il suit alors six jeunes filles, qui s’automutilent. Les photographies sont réparties en six séries, et montrent des situations aux racines diverses telles que la pauvreté, le harcèlement ou les violences domestiques et sexuelles.
Sortir de l’anonymat
Les clichés montrent ces jeunes femmes dans des situations banales de leur quotidien. Le photographe les suit dans des moments dramatiques, de souffrance, immortalise les médicaments ingurgités, les traces de mutilations. Des passages à l’acte qui pourraient être fatals.
Comme l’explique le commissaire Thomas Doubliez dans un texte réalisé pour la Polka Galerie, qui représente l’artiste, Kosuke Okahara « endosse progressivement les rôles de photographe, d’ami proche, de témoin voire de secouriste. Sortant les patientes de l’anonymat Ibasyo brise un véritable tabou dans la société japonaise et apparaît comme exemplaire de l’approche éthique et esthétique de son œuvre. »
Des questions toujours peu abordées
Dans une société qui se veut lisse, qui n’assume pas ses failles, ou ne veut du moins pas les voir, Kosuke Okahara interroge plus largement avec ce témoignage l’identité japonaise. Comme il l’explique à Pen : « la problématique de la santé mentale est aujourd’hui plus facile à aborder dans la société japonaise, des arrêts maladie sont, par exemple, dispensés pour des cas de dépression, mais les questions de l’automutilation et des violences demeurent quant à elles peu abordées. »
Le regard du photographe est empreint d’empathie, mais jamais de pitié ; une position également illustrée dans un autre de ses projets, Vanishing existence, pour lequel il s’est intéressé à la situation d’un village de lépreux en Chine.
Ibasyo -Self-injury, proof of existence- (2018) une série de photographies par Kosuke Okahara, publiée par Kousakusha.
“Ibasyo -Self-injury, proof of existence-” © Kosuke Okahara
“Ibasyo -Self-injury, proof of existence-” © Kosuke Okahara
“Ibasyo -Self-injury, proof of existence-” © Kosuke Okahara
“Ibasyo -Self-injury, proof of existence-” © Kosuke Okahara
“Ibasyo -Self-injury, proof of existence-” © Kosuke Okahara
LES PLUS POPULAIRES
-
“Les herbes sauvages”, célébrer la nature en cuisine
Dans ce livre, le chef étoilé Hisao Nakahigashi revient sur ses souvenirs d’enfance, ses réflexions sur l’art de la cuisine et ses recettes.
-
Shunga, un art érotique admiré puis prohibé
Éminemment inventives, se distinguant par une sexualité libérée, ces estampes de la période Edo saisissent des moments d'intimité sur le vif.
-
Le périple enneigé d’un enfant parti retrouver son père
Le film muet “Takara, la nuit où j'ai nagé” suit un jeune garçon sur la route, seul dans un monde d'adultes qu'il a du mal à appréhender.
-
L'homme qui construisait des maisons dans les arbres
Takashi Kobayashi conçoit des cabanes aux formes multiples adaptées à leur environnement et avec un impact limité sur la nature.
-
Les illustrations calligraphiques d'Iñigo Gutierrez
Inspiré du “shodo”, la calligraphie japonaise, l'artiste espagnol établi à Tokyo retranscrit une certaine nostalgie au travers de ses oeuvres.