La triennale de Setouchi, quand l’art dynamise les territoires
Red Pumpkin ©Yayoi Kusama, 2006, Naoshima Miyanoura Port Square. Photo by Daisuke Aochi
Revitaliser les îles dépeuplées par l’art. Tel était le pari un peu fou mais en passe d’être largement réussi de Fram Kitagawa, Soichiro Fukutake et Takeki Manabe, trio à la manoeuvre de la triennale de Setouchi. Respectivement directeur artistique, mécène et ancien gouverneur de la préfecture de Kagawa, ces trois amateurs et amoureux d’art contemporain ont ainsi lancé en 2010 un des rassemblements culturels les plus importants du Japon. La triennale de Setouchi est désormais sur les lèvres les plus initiées, talonnant de près les biennales de Venise et de Lyon, rendez-vous artistiques désormais incontournables. Se creusant peu à peu une place de choix dans le milieu très fermé de l’art contemporain mondial.
12 îles, 200 oeuvres, 30 pays
Keisuke Yamaguchi - Walking Ark ©Kimito Takahashi
Pourtant, la réussite de ce projet était loin d’être évidente. La triennale se déroule dans la partie orientale de la Mer Intérieure de Seto, à cheval entre les préfectures de Kagawa et d’Okayama, sur douze îles. À plus de 500 kilomètres de Tokyo, et loin des circuits touristiques conventionnels. Sa sélection pointue, qui mêle art contemporain, architecture, musique, culture traditionnelle ou encore théâtre, et rassemble pour cette quatrième édition des artistes originaires d’une trentaine de pays, a séduit les amateurs d’art au fil des ans. Un événement porté entre autres par la renommée grandissante de l’île arty Naoshima et ses nombreux musées conçus par l’architecte star Tadao Ando, ou encore de celle de Teshima, dernière des îles du projet d’intégration de l’art dans la nature de la fondation Benesse.
Ce sont, entre 2010 et 2019, plus de trois millions de visiteurs qui ont arpenté les différentes îles, dont 20 % de visiteurs internationaux. Un afflux massif de touristes d’un nouveau genre que ces territoires, désertés par leurs habitants au fil des ans au profit de villes japonaises plus attractives, ont dû loger et nourrir, redynamisant ainsi ces lieux endormis. “Le festival devait servir le développement régional. Être un catalyseur pour faire bouger les habitudes de vie”, explique Takeki Manabe. Et c’est chose faite. Certaines îles voient doucement leur population augmenter, des restaurants et galeries s’implantent, quand 2 000 chambres d’hôtel ont ouvert leurs portes en moins de 10 ans. Une école primaire et une crèche ont même réouvert sur l’île d’Ogijima pour accueillir les enfants des 40 nouveaux arrivants.
Une dynamisation pérenne
Kazuyo Sejima, Ryue Nishizawa - Naoshima Port Terminal
Les structures existantes laissées à l’abandon sont quant à elles remises en état. D’anciennes écoles ou encore des maisons traditionnelles japonaises servent désormais de lieux d’exposition, quand elles ne sont pas tout simplement transformées elles-mêmes en œuvre par les artistes invités. Un bon moyen de rendre pérenne la redynamisation de ces territoires puisque bon nombre d’œuvres d’arts deviennent ainsi permanentes et survivent à la fin de l’évènement. En-dehors des périodes d’exposition (la prochaine triennale ayant lieu en 2022) les visiteurs peuvent donc, en plus de se rendre dans les musées des îles de Naoshima et Teshima, continuer d’observer certaines installations et rayonner sur les diverses îles en empruntant des ferries. Par ailleurs, des peintures, sculptures ou autres créations artistiques, pensées conjointement par les artistes et les résidents de ces îles sont également exposées, dans le cadre de l’initiative Art Setouchi, qui organise des événements artistiques entre les triennales. Un bon moyen d’intégrer les habitants dans le processus créatif et dans la réappropriation de leurs lieux de vie.
Yoshihiko Shikada - Ascend the past and now descend the future ©Keizo Kioku
Leandro Erlich - Little Shops on the Island, Laundry ©Keizo Kioku
Maki Ohkojma and Mayur Vayeda - Awashima Artists Village ©Keizo Kioku
Esther Stocker - Coutours of Thinking ©Yasushi Ichikawa
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