Le dernier bal, ou le choc des époques et des visions
Dans la vidéo “The Last Ball” (2019), Yu Araki revient sur les relations entre le Japon et l’Occident à la fin du XIXème siècle.
“The Last Ball” (2019) - courtesy of the artist and MUJIN-TO Production; Produced by Shiseido Co., Ltd.
En 1889, l’auteur français Pierre Loti publie Japoneries d’automne, récit de ses impressions au retour de plusieurs voyages au Japon. C’est dans ces pages, et en particulier celles décrivant le Rokumeikan de Tokyo — lieu où se réunissaient pour de somptueuses fêtes et bals les notables japonais — que l’artiste Yu Araki a trouvé l’inspiration pour son œuvre vidéo The Last Ball, diffusée en 2019.
Né en 1985 dans la ville de Yamagata, l’artiste a suivi une formation en Film and New Media Studies à la Tokyo University of the Arts, puis en Sculpture à la Sam Fox School of Design & Visual Arts, Washington University de Saint Louis, aux États-Unis. Il est aujourd’hui installé à Tokyo. En 2019 The Last Ball lui a permis d’être sélectionné dans la shortlist du prestigieux Future Generation Art Prize.
L’influence de la culture occidentale sur l’élite japonaise
Pour The Last Ball, Yu Araki décide de croiser les regards, en s’appuyant sur une réponse, publiée quelques années après le texte de Pierre Loti, par l’auteur japonais Ryunosuke Akutagawa. Ce dernier fait justement l’éloge de tout ce qui était décrit comme de mauvais goût par l’auteur français. Alors que le Rokumeikan illustre l’influence de la culture occidentale sur l’élite japonaise à partir de la fin du XIXème siècle — le bâtiment sera démoli en 1941 —, Yu Araki s’inspire des visions et manières de voir des deux auteurs pour illustrer, à travers une scène de bal, la confrontation entre les regards de l’Orient et de l’Occident.
Comme le note dans le Japan Times le journaliste John L.Tran — dans un récit de l’œuvre fait à l’occasion de l’exposition Yu Araki: Le Souvenir Du Japon à la Shiseido Gallery —, si la description de la scène par Loti « n’est pas antipathique à l’égard de la culture japonaise dans sa globalité… il critique notamment la manière dont sont vêtus les participants. »
La vidéo troublante et décalée, diffusée sur trois canaux, met en scène Loti et sa partenaire de danse, mais le regard du spectateur est vite intrigué par les smarphones et perches à selfie tenues par les acteurs. Symboles d’une culture aujourd’hui mondialisée, dont les us et coutumes sont uniformes ? Les sources vidéo issues de ces téléphones sont croisées avec des plans plus larges, allégorie d’une association de regards, de perspectives. Le résultat mélodramatique et captivant ouvre la voie à une réflexion plus large sur la coexistence culturelle contemporaine.
Cette œuvre renvoie plus largement au thème de prédilection de Yu Araki, la relation entre l’image, le son, et le soi. En 2018 il présentait le court métrage Mountain Plain Mountain en collaboration avec le réalisateur Daniel Jacoby, plongeant le public dans l’univers des courses de chevaux d’Obihiro, au Japon, dans lequel l’attention se porte au fil des minutes sur les voix des commentateurs.
The Last Ball (2019), une vidéo de Yu Araki. Le reste de ses compositions est disponible sur son site internet.
“The Last Ball” (2019) - courtesy of the artist and MUJIN-TO Production; Produced by Shiseido Co., Ltd.
“The Last Ball” (2019) - courtesy of the artist and MUJIN-TO Production; Produced by Shiseido Co., Ltd.
“The Last Ball” (2019) - courtesy of the artist and MUJIN-TO Production; Produced by Shiseido Co., Ltd.
“The Last Ball” (2019) - courtesy of the artist and MUJIN-TO Production; Produced by Shiseido Co., Ltd.
“The Last Ball” (2019) - courtesy of the artist and MUJIN-TO Production; Produced by Shiseido Co., Ltd.
“The Last Ball” (2019) - courtesy of the artist and MUJIN-TO Production; Produced by Shiseido Co., Ltd.
Installation view at Shiseido Gallery, Tokyo, Japan. Photo: Ken Kato
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