Takehiko Nakafuji, le bruit blanc du chaos
Dans “White Noise”, le photographe japonais nous entraine dans un futur chaotique marqué par la catastrophe de Fukushima.

“White Noise” — © Zen Foto Gallery
Fukushima a ouvert la porte à un monde sombre. Le 11 mars 2011, « ce n’était que le début de la fin ». Les conséquences de l’explosion de la centrale nucléaire de Fukushima ne sont pas simplement matérielles et le Japon a surmonté l’épreuve de la reconstruction. Mais selon Takehiko Nakafuji, cet événement a marqué le début d’une période sombre, froide et déshumanisée pour Tokyo. Publié en 2018 par le photographe, White Noise est une plongée dans une nouvelle ère chaotique.
Né en 1970 à Tokyo, Takehiko Nakafuji est diplômé en photographie aux Arts Visuels de Tokyo, où il est élève de Daido Moriyama. Il produit plusieurs livres de photographies en noir et blanc, après des voyages en Europe de l’Est, à Cuba ou en Russie. Également propriétaire de la Gallery Niepce à Tokyo, il reçoit en 2013 le Special Photographer Award au Festival International de Photographie de Higashikawa pour Sakuan, Matapaan: Hokkaido.
Tokyo avance comme une ville démon
Dans White Noise, le chaos se retrouve dans la structure de l’ouvrage et ses dédales, dans le mélange de papiers utilisés, de couleurs, de styles — chaque page offre une scène cachée, à découvrir après l’avoir dépliée. « Quand j’ai vu la vidéo de l’explosion de la centrale nucléaire de Fukushima, j’ai senti que quelque chose devait prendre fin. Cela m’a rappelé le bruit blanc semblable à une tempête de sable que produisent les télés lorsqu’il n’y a pas de signal », explique l’artiste dans une interview publiée par la Zen Foto Gallery à l’occasion de son exposition en 2018.
« Tokyo était sombre, car on voulait économiser l’électricité. Les gens avaient des visages sombres et d’horribles masques anti-radiations, ils erraient comme s’ils avaient peur de quelque chose », poursuit le photographe. Pourtant, au fil des semaines, la vie a repris, animée par la préparation des Jeux olympiques. Mais le sentiment de Takehiko Nakafuji demeure sombre, « rien dans cette énergie ne me semble positif — tout est chaos nihiliste ». Cet univers est ici présenté à travers des clichés des rues de Tokyo, de sa foule, de ses couloirs de métro, en somme, de ce qu’est aujourd’hui la ville. « La vie continue et le conflit entre les vieilles rues animées et les aménagements inhumains se poursuit et Tokyo avance comme une ville démon, à l’énergie tourbillonnante, échappant à tout contrôle. »
Si le terme « d’expérience » pour un livre photo ou une production artistique est (trop) régulièrement utilisé, il est difficile ici de ne pas l’employer. White Noise dévoile un monde qui aurait été imaginé par les plus pessimistes — ou collapsologues — il y a plusieurs décennies, mais qui est pourtant celui que capture aujourd’hui Takehiko Nakafuji.
Après une première série décrivant l’univers nocturne tokyoïte, intitulée Night Crawler, Takehiko Nakafuji a entamé il y a plus de quinze ans Street Rambler, composée de photographies de scènes de rues et de portraits réalisés en Russie, en Europe de l’Est, aux États-Unis ou à Cuba.
White Noise (2018), un album de photographies par Takehiko Nakafuji publié par la Zen Photo Gallery .

“White Noise” — © Zen Foto Gallery

“White Noise” — © Zen Foto Gallery

“White Noise” — © Zen Foto Gallery

“White Noise” — © Zen Foto Gallery

“White Noise” — © Zen Foto Gallery

“White Noise” — © Zen Foto Gallery

“White Noise” — © Zen Foto Gallery
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