Les cendres du Tohoku ressuscitent son avenir

02.08.2018

TexteEisaku Sakai

Le DECOTORA de Masaru Tatsuki, une série de photos sur des camions décorés de manière extravagante, continue à le faire voyager dans les contrées du Tohoku au Japon. Il a sillonné Aoyama et Akita pour le projet et il a songé : « quand je vois les paysages du Tohoku, j’en ai la chair de poule, parce que je constate qu’ils appartiennent à mes propres racines. J’ai eu le sentiment que cette part de ma vie manquait à mes connaissances. C’est pourquoi l’acte de photographier le Tohoku me tenait tant à cœur. »

From DECOTORA, 'Midnight Emperor', Shiga Prefecture, 2002

Portrait illustrant le mode de vie de ces conducteurs de camions à travers leurs allures fantasques. Le camion qui figure sur la photo coûte 20 millions de yen. Courtesy of the artist and GALLERY SIDE 2

Son regard s’applique à constamment débusquer les liens entre passé et présent. Masaru Tatsuki éclaire le passé du Tohoku, en révélant les relations entre tradition et culture japonaise universelle. La série, intitulée Tohoku, a remporté le trente-septième Ihey Award en 2012.

From Tohoku, 'Natsuya Shishi-odori in Kawai-mura', Miyako-shi, Iwate Prefecture, 2009

Cliché représentant les instants qui suivent le Natsuya Shika-odori, une tradition qui perdure au sein de la ville de Miyako-shi (ancien village de Kawai-mura), dans la préfecture de Iwate. Courtesy of the artist and GALLERY SIDE 2

From Tohoku, 'Suneka', Ofunato-shi, Iwate Prefecture, 2010

Suneka est une coutume qui consiste à se déguiser comme l'incarnation d'une montagne ou d'une divinité de la mer. Tatsuki souligne la féérie du Tohoku à travers le prisme de sa tradition, qui donne forme à une présence invisible redoutée de la population. Courtesy of the artist and GALLERY SIDE 2

From kuragari, 'kuragari no. 36', 2010

Photographie isolée et insolite d’une biche soudainement apparue lorsque le photographe avait renoncé à en trouver ce soir-là. Le regard de la biche nous rend intensément conscients de la limite existant entre notre monde et l’obscurité qui habite l’arrière-plan. Courtesy of the artist and GALLERY SIDE 2

Cependant ce qui l’a réellement affecté, c’est le tremblement de terre du Tohoku. « Lorsque le Tsunami a tout emporté sur son passage, j’ai senti que tout le temps du monde ne suffirait pas à prendre suffisamment de photos », se souvient-il. Il a réalisé qu’il devait se détacher de ses sujets et assumer une approche plus froide de la photographie. « Cette série parle de ce que nous avons perdu », déclare Tatsuki. Sa pièce KAKERA constitue une réorganisation des strates du temps intégrées au paysage. En superposant le présent avec le passé, le photographe stimule notre imagination et modifie notre perception du futur du Tohoku – et celui du Japon.

From Sono Chi wa Mada Akai no ka (Is that Blood Still Red?), 'Deer 3', Kamaishi-shi, Iwate Prefecture, 2011

Une série réalisée après le séisme. Comme le titre l’indique, Tatsuki a pris ces photos en s’interrogeant sur ce qui avait changé depuis le tremblement de terre. Courtesy of the artist and GALLERY SIDE 2

From Sono Chi wa Mada Akai no ka (Is that Blood Still Red?), 'Hunting 2', Kamaishi-shi, Iwate Prefecture, 2011

Au lieu de se concentrer sur les gens, les clichés sont centrés sur les armes, ce qui nous donne un aperçu de la façon dont l’artiste tente de saisir l’objectivité de ses sujets. Cette série comporte des pellicules de différents formats, qui rendent compte de la période à laquelle il a été bouleversé par les évènements du Tohoku. Courtesy of the artist and GALLERY SIDE 2

From Gyojin, 'Knife and Cutting Board after Use', Shirahama, Hoachnohe-shi, Aomori Prefecture, 2015

Dans cette série, Tatsuki tourne son regard vers la mer après une randonnée dans les montagnes passée à photographier la forêt et les animaux. Pour lui, la photo du poisson nettoyé reposant sur la planche à découper désigne l’endroit précis où la forêt et la mer convergent. Courtesy of the artist and GALLERY SIDE 2

From Gyojin, 'The Start of Fishing', Fukakubo, Hachinohe-shi, Aomori Prefecture, 2015

Cette photo nous montre un ancien capitaine de bateau de pêche, qui n’a pas cessé de pêcher depuis qu’il a pris sa retraite. Comme les pêcheurs passent la majeure partie de leur temps au travail, ils établissent au fil des années et de leur vie une relation particulière avec la mer. Courtesy of the artist and GALLERY SIDE 2

From KAKERA, 'Emperor Hirohito and President Ford, 3 October 1975', Akita Prefecture, 2016

Photo d’un fragment de pot en céramique de la période Jômon conservé comme preuve historique. Le fragment de poterie ancienne et le journal moderne sur lequel il repose témoignent de la méthode photographique caractéristique de Tatsuki, qui nous donne à percevoir différentes strates de temps. Courtesy of the artist and GALLERY SIDE 2

Courtesy of the artist and GALLERY SIDE 2

Masaru Tatsuki

Né à Toyama en 1974, Masaru Tatsuki parcourt la zone du Tohoku et continue d’interagir avec les gens, la culture et la nature propres à la région. En 2007, il publie son 'DECOTORA' (Little More Co., Ltd.), une série sur les camions customisés, dont les images s’étalent sur neuf ans. En 2012, Tatsuki remporte le 37ème Kimura Ihei Award. En 2015, il publie 'Gyojin' (T&M Projects).