“Les Bébés de la consigne automatique”, ou la revanche de jeunes marginaux à Tokyo
Dans ce roman dystopique, Ryu Murakami relate le passage à l'âge adulte compliqué de deux adolescents face à un Japon “empreint d'innocence”.

Ryu Murakami, “Les Bébés de la consigne automatique”, Editions Picquier
Ce roman apocalyptique publié en 1980 par Ryu Murakami voit Kiku et Hashi naître affublés de l’étiquette de « bébés de la consigne automatique » — une pratique courante au Japon qui consiste à abandonner des nourrissons dans les casiers publics des gares. Ces enfants sont ensuite emmenés vers un orphelinat et placés en famille d’accueil, mais leurs vies restent marquées par le traumatisme de ces premiers instants.
Si les chemins des deux protagonistes se séparent, l’un devenant athlète et l’autre une pop star non-binaire, ils se retrouvent deux ans plus tard. C’est à cette occasion qu’ils se remémorent un ancien projet commun, celui d’anéantir tout le pays à l’aide d’une substance mortelle : la “datura”. À travers ce sombre récit de passage à l’âge adulte, entre déviance et décadence, les héros des Bébés de la consigne automatique de Ryu Murakami sont amenés à devenir les modèles d’une nouvelle société, dans un Japon désabusé de fin de siècle.
L’incubation de la fin du monde
Issu d’une culture punk et hippie, l’écrivain et cinéaste Ryu Murakami analyse la société japonaise du point de vue d’un jeune marginal. Les thèmes de la violence, de la consommation de drogue, de la sexualité et de la désillusion sont confrontés au mythe d’un conformisme innocent et ce, dans le contexte du Japon de la fin du vingtième siècle, dans un portrait surréaliste, sombre et social, de la nature humaine.
Auteur fertile, Ryu Murakami est salué par la critique et le public pour avoir défendu un nouveau de style de littérature, de Bleu presque transparent (1976 au Japon), jusqu’aux Bébés de la consigne automatique, en passant par de nombreux thrillers tels Piercing (1994 au Japon, inédit en français) ou Miso Soup (1997 au Japon). Son imagination dystopique a également fait le bonheur du grand écran à travers l’adaptation de ses récits, dont le célèbre drame érotique Tokyo Decadence (1992) et le film d’horreur Audition (1999) réalisé par Takashi Miike.
Les Bébés de la consigne automatique réinvente le Tokyo des années 1980, infesté de criminels et de marginaux — bien que parfois décrit comme un roman « cyberpunk », son quasi-futurisme dépeint la menace d’une revanche des icônes de la décadence urbaine. Pourtant, à travers ce roman d’apprentissage, les lecteurs pénètrent la psychologie de deux rebelles, observent leurs excès, mélancolies et mutations. Leur voyage qui débute dans un casier à pièces emmène Kiku et Hashi entre services psychiatriques et concerts pop, prisons et appartements aux lumières énigmatiques, et enfin, vers une friche industrielle. Quand l’apocalypse a un goût de déjà-vu.
Les Bébés de la consigne automatique (1998 en France), un roman de Ryu Murakami édité par les Éditions Picquier.

Ryu Murakami, Wikimedia Commons
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