Shiori Ito prend la parole pour les femmes victimes de viol
Dans “La boîte noire”, un récit à la première personne, la journaliste questionne le traitement des victimes d'agressions sexuelles au Japon.
© Hanna Aqvilin
Le récit est clair, précis, presque chirurgical. Des faits, remémorés, mis bout à bout et consignés dans un ouvrage, pour ne pas oublier, mais surtout, pour tenter d’éviter que d’autres ne connaissent le même sort. Le 3 avril 2015, la journaliste Shiori Ito reprend conscience dans une chambre d’hôtel à Tokyo, alors qu’elle est en train de se faire agresser par Noriyuki Yamaguchi, un haut responsable de la chaîne de télévision japonaise TBS. La jeune femme avait rejoint celui qui est aussi le biographe du Premier ministre Shinzo Abe quelques heures plus tôt dans un restaurant afin de discuter des modalités pour l’obtention d’un poste à New-York.
Deux ans plus tard, Shiori Ito alors âgée de 28 ans publie La boîte noire, édité en français aux éditions Philippe Picquier. Un récit cathartique écrit en trois mois, qui, après avoir rapidement posé le contexte et raconté l’enchaînement de faits ayant conduit jusqu’à son viol, propose une réflexion globale sur les violences sexuelles au Japon et le traitement réservé aux victimes.
Ouvrir la voie pour les autres femmes
« Ce qui s’est passé n’est pas le sujet principal du livre. Je veux parler de l’avenir, des mesures à prendre pour qu’il n’y ait plus d’autres victimes et des moyens à mettre en place pour que les victimes d’agressions sexuelles puissent obtenir de l’aide. Si je parle du passé, c’est uniquement pour réfléchir au futur », annonce l’auteure dès les premières pages.
Car après son viol Shiori Ito va être confrontée à l’indifférence voire à la mauvaise volonté des services d’assistance, de la police, des hôpitaux, des médias… Tous n’arrêtent pas de lui répéter inlassablement qu’un dépôt de plainte n’aura d’autres conséquences que de ruiner sa carrière. Ce qui va la pousser à se lancer, seule, dans la collecte d’éléments à charge contre son agresseur. « On n’a cessé de me répéter que ce qui se passe dans une pièce close est inaccessible à une tierce personne. Le procureur a qualifié cette situation de black box, de boîte noire », explique-t-elle.
Un début de changement
Après des mois de travail acharné, Shiori Ito obtient enfin un mandat d’arrêt contre Noriyuki Yamaguchi. L’homme devait être arrêté lors de son arrivée sur le sol nippon après un séjour à New-York, mais un ordre venu d’en haut viendra interrompre la procédure.
Alors que sa plainte criminelle a été close après l’annulation du mandat d’arrêt, Shiori Ito a vu sa plainte civile aboutir. Le tribunal de Tokyo a ordonné à Noriyuki Yamaguchi le paiement de 3,3 millions de yens de dommages à la jeune femme en décembre 2019. Shiori Ito, installée désormais à Londres où elle a créé sa société de production documentaire, continue de lutter pour une meilleure prise en charge des femmes japonaises victimes de viol. Son récit a été mis en images par la BBC qui a tiré de son histoire le documentaire Japan’s secret shame, diffusé en 2018.
La boîte noire (2019), un récit de Shiori Ito, publié aux éditions Picquier.
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