“Tokyo année zéro”, dans les abysses du roman noir

C’est au milieu des immeubles éventrés, des canalisations explosées, des files d’attente qui s’étirent aux portes des banques et des abris de fortune que l’écrivain David Peace a choisi de faire vivre son intrigue.

Août 1945, alors que Tokyo et le Japon pansent leurs plaies, un corps de femme est retrouvé dans un dépôt de vêtements de l’armée et est signalé au bureau de la première division criminelle. Une macabre découverte à laquelle succédera, un an plus tard, un signalement de deux autres corps de femmes sans vie. Tokyo année zéro suit l’enquête policière, dans un récit mené à la première personne, faisant pénétrer le lecteur dans le corps et l’esprit de l’inspecteur Minami, en charge du dossier. 

Une écriture sonore

Fidèle à ses intrigues inspirées de faits réels, à l’écriture hachée et à l’univers suffoquant, David Peace, écrivain anglais spécialiste du roman noir installé à Tokyo, livre dans cet ouvrage un récit à la noirceur abyssale. L’auteur pousse les descriptions macabres dans les moindres détails, fait de la ville et ses ruines un personnage à part entière qui reflète comme un miroir la vie personnelle et professionnelle de l’inspecteur Minami, elle aussi décrépie. Le tout, dans la chaleur écrasante de l’été japonais.

Un récit oppressant mais enlevé, porté par un style où les répétitions sont reines et où les onomatopées sont légion, afin de venir y ajouter des indices sonores : les bruits de la trotteuse d’une montre, ceux d’un marteau, d’une goutte de pluie ou encore celui du grattement des ongles sur la peau. Avec une maxime qui sourd dans tout l’ouvrage : personne n’est ce qu’il prétend être. Tokyo année zéro est le premier volume d’une série de l’auteur consacrée à la capitale japonaise après-guerre, ont suivi Tokyo ville occupée (2008) et Tokyo Redux (2021).

Tokyo année zéro (2007), un roman de David Peace publié aux éditions Payot-Rivages.