Un Mishima intime révélé par John Nathan

L’un des traducteurs de l’écrivain publie une biographie où sont esquissés les contours intimes d’un des auteurs les plus clivants au Japon.

20.08.2021

TexteClémence Leleu

© Gallimard

De Yukio Mishima reste avant tout ce fait marquant : son suicide par seppuku, emblème de la tradition samouraï, le 25 novembre 1970. Un acte qui, bien souvent, contraint à le découvrir à rebours : rembobiner sa vie et son œuvre à partir de sa mort. Si Mishima distille beaucoup de lui dans ses oeuvres : son homosexualité dans Confessions d’un masque ou encore son attrait pour la mort et la tradition japonaise dans Le Japon moderne et l’éthique samouraï, il peut être difficile de saisir qui il est vraiment. Romancier, dramaturge et poète, féru de culturisme et militariste, il est persuadé que le Japon a tout à perdre dans la démocratie. 

Alors qui mieux qu’un de ses traducteurs officiels pour tenter d’assembler les pièces du puzzle Mishima ? John Nathan a fréquenté personnellement l’auteur de 1963 à 1965 à Tokyo, alors qu’il traduit son ouvrage Le marin rejeté par la mer. Membre de ses cercles les plus rapprochés, il côtoie un Mishima intime, avant une rupture professionnelle et amicale nette : John Nathan décline la proposition de l’auteur de traduire Soie et clairvoyance, et se tourne vers l’oeuvre Une affaire personnelle de Kenzaburo Oe, écrivain de gauche, à l’exact opposé des valeurs de Mishima. 

 

Percer l’énigme Mishima

Pourtant, c’est lui qui est sollicité pour écrire la biographie de cet auteur qui laisse derrière lui, à 45 ans, 40 romans, 18 pièces de théâtre et 20 volumes de nouvelles. Il a alors la lourde tâche de raconter l’écrivain clanique qui, comme il le précise, ne donne de lui que ce qu’il souhaite. « À sa mort, chacun de ses amis dut avouer qu’il n’en avait rien soupçonné, et admettre, du même coup, la douloureuse vérité : il connaissait juste de Mishima ce que Mishima avait bien voulu qu’il en connût. »

John Nathan a assemblé ses souvenirs, rencontré la veuve, les amis et les parents de Mishima pour retisser, de manière chronologique, la vie de l’auteur. Publié pour la première fois en 1974, l’ouvrage reparaît en 2020, pour les 50 ans du décès de l’écrivain. Une biographie complétée d’une nouvelle préface où John Nathan revient sur ce travail délicat et forcément parcellaire et subjectif, qu’est celui de la biographie d’un homme aux multiples facettes. « Toute biographie écrite si près de la mort de celui qui en fait l’objet est susceptible d’appeler par la suite des ajouts d’ordre factuel et interprétatif. J’ose espérer qu’en dépit de ses lacunes, mon ouvrage aidera le lecteur à sonder l’énigme que fut Yukio Mishima. »

 

Mishima (2020), un ouvrage par John Nathan publié aux éditions Gallimard.

© Gallimard