Créée par l’huître, cultivée par l’homme

28.02.2019

TexteMayo Morino PhotographiesTisch

C’est la maison de joaillerie Mikimoto qui a découvert le procédé d’élevage de la perle de culture. Le secret de sa beauté est né de la fidélité permanente à la passion pour la perle depuis le premier jour.

La perle fut peut-être le premier bijou de l’humanité. « De toutes les choses précieuses sur la terre, la perle est celle qui possède la plus grande valeur », écrit Pline l’Ancien à Rome, dans son Histoire Naturelle. Et à la fin du XIIIe siècle, Marco Polo, qui a visité les différents pays d’Asie, déclare dans Le Devisement du Monde, ou Livre des Merveilles : « En Inde et à Cipangu se pêchent de splendides perles ». Les portraits de Marie-Antoinette, qui la montrent presque tous portant des perles, disent combien la reine de France aimait les perles.

Surnommées « gouttes de lune » ou « larmes de sirène », les perles ont séduit et séduisent les hommes (et plus encore les femmes) du monde entier. Elles se forment à l’intérieur des coquillages vivants, et dégagent la pleine beauté de leur lueur dès l’instant de leur collecte : nul besoin de polissage ou de taille, comme pour le diamant ou le rubis, le mystère de la perle est entier dans la création même de la nature, dont elle tient sa « présence » mystérieuse et sa pureté.

Sous les claies flottantes de la ferme perlière Mikimoto de Tatoku, les huîtres Akoya travaillent au grossissement de leurs perles.

Dit de façon un peu plus objective : née d’un être vivant, la perle est la seule gemme d’origine organique. C’est aussi de sa nature organique qu’elle tient sa couleur si caractéristique qui s’enrichit et se bonifie au fil du temps avec sa propre brillance. Parmi les gemmes, la perle est le seul bijou qui mûrit en passant du temps avec celle qui la porte, c’est aussi ce qui fait sa magie.

Les mers et lacs du globe produisent une riche variété de perles aux différentes caractéristiques : perles des mers du sud, de grande taille, produites par l’huître pinctada maxima au fond de l’Océan Pacifique sud ; perles noires, plus exactement vert profond, que produisent les huîtres noires des mers proches de Tahiti ; perles roses de conque de la mer des Caraïbes ou du Mexique…  Les perles japonaises sont traditionnellement produites par des huîtres Akoya (Pinctada fucata). Le plus souvent, leur taille n’excède pas 9 mm, ce qui en fait des gemmes de taille relativement modeste, essentiellement blanches, mais pouvant se trouver aussi dans diverses teintes subtiles, rose, argent ou crème. Elles sont surtout prisées pour leur incomparable luminosité et leur élégance unique.

Des huîtres Akoya attendent leur greffon. Chaque huître porte un numéro, pour une traçabilité totale.

Autrefois, les perles étaient tellement rares et chères que porter un bijou de perles était le privilège des classes supérieures, un symbole de richesse et de pouvoir. En effet, les perles fines sont vraiment de simples accidents de la nature et sont aussi extrêmement faibles au niveau de leur récolte. Puis arriva Kôkichi Mikimoto, le fondateur de l’entreprise Mikimoto. En 1893, Kôkichi se lança un défi de taille : créer la première perle de culture du monde. Avec sa réussite totale, la perle devint par la magie de sa trouvaille un bijou bien plus accessible.

À l’époque, sa région natale, Ise-shima, produisait des perles fines d’huîtres Akoya réputées pour leur couleur et leur lustre. Toutefois, une pêche trop intensive menaçait la survie même de l’espèce. Kôkichi commença par multiplier les naissains en élevant des larves d’Akoya. Puis une idée lui vint, « mon rêve est d’orner de perles le cou de toutes les femmes du monde ». Il travailla, jour et nuit, à la recherche d’un moyen d’ensemencer les huîtres. Sa passion et sa philosophie d’entrepreneur lui donnèrent la force de surmonter ses échecs, d’y mettre le temps qu’il faudrait jusqu’à ce que ses efforts finissent par payer dans le but d’avoir une perle parfaite au monde. Sachant qu’il faut au minimum 4 ans avant que la petite larve qui vient de naître donne une perle.

 

Une greffe est très précisément une opération chirurgicale.

Une perle naturelle se forme quand le manteau de l’huître, qui secrète des couches de nacre élaborant son lustre, pénètre par hasard à l’intérieur du corps du mollusque. Cultiver une perle, c’est provoquer artificiellement ce hasard. La méthode consiste à introduire un corps étranger, spécifiquement une parcelle de coquille d’un mollusque bivalve d’eau douce, polie de forme sphérique, dans le corps d’une huître Akoya, en même temps qu’un morceau de manteau. Cette étape est indispensable à la perliculture. Elle demande un très haut niveau de précision et de maîtrise technique pour limiter le stress de la receveuse à l’extrême. Le temps passant, le noyau étranger se couvre peu à peu de calcium cristallisé faisant les couches de nacre autant que de protéine, qui est très précisément la matière de la perle. La répétition de ce processus donne à la perle sa belle couleur et son lustre.

À gauche : des huîtres Akoya élevée en baie d’Ago sont de taille modeste et tiennent dans la paume de la main. À droite : la greffe. Incision au scalpel et introduction très précise du greffon au bon endroit.

La baie d’Ago, vue de l’observatoire de Yokoyama. Merveilleux contraste de la mer et de la végétation sur ce littoral à rias très découpé.

La beauté unique de chaque perle est déterminée par sa taille, sa couleur, sa brillance (qu’on appelle son « lustre »), et son épaisseur. Seules les perles qui répondent aux critères de qualité extrêmement sévères fixés par un contrôle de la maison Mikimoto sont autorisées à porter le nom de « perles Mikimoto ». Mais le métier de l’entreprise Mikimoto ne s’arrête pas à la production des perles : la marque Mikimoto est une des très rares maisons de joaillerie qui couvre la totalité de la chaîne du bijou, design, façonnage, vente, et jusqu’au service après-vente.

Les récits passionnants mettant en scène Mikimoto sont innombrables. À l’époque où son entreprise est créée, le marché de la bijouterie japonaise est entièrement dépendant des tendances en provenance d’Europe et des bijoux importés. Pour former techniquement ses bijoutiers à produire des créations originales, Mikimoto les envoya en Europe. Puis en 1907 il créa l’atelier de joaillerie Mikimoto, aujourd’hui Mikimoto Jewelry Mfg Co.,Ltd.

Mikimoto ouvrit également la première boutique dédiée aux perles, en 1899 sur l’avenue Ginza. Dans le but de diffuser dans le monde entier la magie de la joaillerie de la perle, il participa à toutes les grandes expositions universelles : Philadelphie 1926, Paris 1937, New York 1939, présentant chaque fois des pièces restées dans l’histoire. L’exceptionnelle beauté des perles Mikimoto, bien sûr, mais aussi leur montage délicat qui n’avait rien à envier aux techniques de la joaillerie étrangère mit bientôt le nom de Mikimoto sur toutes les lèvres.

Des perles parfaitement identiques en taille et en couleur sont enfilées à la main par un artisan-joaillier, avant de devenir un bijou.

Mikimoto est réputé pour la qualité de sa production perlière, mais également pour l’excellence de sa joaillerie.

Aujourd’hui comme hier, la qualité Mikimoto repose sur le savoir-faire de ses artisans de haute-joaillerie. Ce qui fait un authentique collier Mikimoto commence par la sélection rigoureuse des plus belles « perles Mikimoto » en fonction de leur couleur, roses ou blanches. Ensuite, on cherche la face la plus belle de chaque perle, tant au niveau de la forme que de la couleur, avant la perce avec une meule spécifique. Les perles sont alors alignées en respectant un gradient de 0,5 mm, tout en procédant au matching, qui consiste à n’apparier que des perles qui possèdent le même lustre. Cette précision hors norme est obtenue de façon entièrement manuelle : aucune avancée technologique ne permet d’arriver à ce niveau d’expertise. Seule la sensibilité esthétique humaine permet de fournir la variation subtile de beauté.

La perle naît dans un être vivant, brille dans les mains d’un artisan, et évolue en compagnie de l’être humain qui la porte. Voilà pourquoi Mikimoto insiste tant sur le savoir-faire manuel. Et aussi pourquoi les perles Mikimoto sont tant aimées.