La tradition des œufs noirs du volcan de Hakone

Dans la vallée volcanique de Owakudani, de curieux œufs noirs aux vertus bienfaisantes sont cuits dans les eaux sulfuriques.

15.03.2022

TexteVictoire Dufay

© Victoire Dufay

À deux heures de Tokyo, en direction de l’Ouest, se trouve la vallée volcanique d’Owakudani, “la vallée bouillonnante”. Créée par l’éruption volcanique du mont Hakone il y a 3000 ans, des fumerolles s’en échappent encore aujourd’hui, car le volcan est bien actif.

Située à 1000m de hauteur, la soufrière principale est ouverte aux visiteurs. Elle se rejoint par la route ou par un téléphérique qui permet d’admirer le lac Ashi et de survoler la montagne aride et fumante. C’est dans cette station touristique que se trouvent les célèbres œufs noirs, que les visiteurs s’arrachent dans les petites boutiques commerçantes environnantes.

 

Rallonger sa vie de sept années

La légende des œufs noirs remonte à l’ère Heian (794-1185), lorsque le célèbre moine Kukai Kobo Daishi, fondateur de l’école bouddhique Shingon (“la parole de vérité”), visita la région alors appelée Daijigoku, “le grand enfer”. On raconte qu’attristé par les mines moroses des habitants de cette vallée aride et désolée, il leur adressa une prière de santé et de longévité, caractérisée par une statuette du bouddha qu’il sculpta lui-même et encourageant la consommation d’œufs cuits dans les eaux bouillonnantes.

On peut admirer cette statue, abritée dans un autel nommé Owakudani Enmei Jizoson. La coutume veut qu’on lui adresse une prière puis qu’on consomme un œuf noir, pour voir sa vie allongée de sept ans. On ne trouve ces œufs qu’à Owakudani, où ils sont cuits chaque jour dans la soufrière, à proximité du sanctuaire. La vallée, quant à elle, ne changea de nom qu’en 1873, lorsque le couple impérial fit le déplacement dans la région. Le nom “grand enfer” sembla démesuré et effrayant et fut modifié à la faveur de “vallée bouillonnante”, son appellation actuelle.

 

Une saveur charnue, riche et salée

Malgré la dimension spectaculaire et riche en symbolique de la couleur des œufs noirs, rien de magique dans leur procédé de fabrication. Des œufs de poules à coquilles claires sont plongés dans les eaux volcaniques, à une température de 80° durant une heure. Le fer contenu dans le sulfure pénètre la coquille, et commence à la rendre noire par réaction chimique. Après une seconde cuisson de 15 minutes à la vapeur, à une température de 100°, la coquille des œufs devient noire comme du charbon.

L’opération est réalisée par des professionnels, les Mushitaka. L’intérieur de l’œuf reste blanc et jaune, seule la coquille change de couleur. Quant au goût, il est similaire aux œufs durs habituels, bien que les magasins suggèrent une saveur avec 20% d’umami en plus, c’est-à-dire une saveur charnue, riche et salée. Depuis, les boutiques ont décliné leur vedette en d’autres produits de la même couleur, sans cuisson dans les eaux volcaniques : glaces, pains fourrés, bonbons… particulièrement photogéniques dans les terres jaunes de la montagne et les fumées de la soufrière.

 

Plus d’informations sur les oeufs noirs sur le site de la station touristique d’Owakudani.

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