“Mononoke”, inventaire d’étranges créatures
Shigeru Mizuki livre dans cet ouvrage une déclinaison artistique de ces être surnaturels qui peuplent les légendes japonaises.

© Mizuki Productions / Cornélius 2021.
Ils s’appellent Bakki, Waira, Zan ou encore Tenaga Baba. Prennent l’apparence d’un ogre, d’une bête étrange, d’une sirène ou encore d’une sorcière aux cheveux blancs. Ils vivent tantôt au fond des lacs, tantôt dans les profondeurs de la forêt, quand ils n’ont tout simplement pas élu domicile dans les soupentes des maisons. Ces yokai, créatures fantastiques et surnaturelles, peuplent les contes et légendes qui se transmettent depuis des siècles au Japon.
Si leurs faits d’armes se racontent d’oreilles en oreilles, certains auteurs ont tenté de décliner en dessin leurs contours. Il y a tout d’abord le Bakemono zukushi, un long rouleau datant d’entre le XVIIIème et XIXème siècle sur lequel s’affichent ces créatures. Suit en 1890 une série d’estampes signée Kyosai Kawanabe, intitulée La parade des 100 démons. Arrive ensuite le travail de Shigeru Mizuki, considéré comme un des auteurs contemporains les plus à la pointe de ces créatures folkloriques.
Shigeru Mizuki est né en 1922 dans la petite ville côtière de Sakai Minato (préfecture de Tottori). Passionné de dessin, la guerre saborde ses prétentions artistiques puisqu’il est enrôlé dans l’armée impériale et rejoint les troupes en Nouvelle-Guinée, où il perdra l’usage d’un bras et attrapera la malaria. Ce n’est qu’en 1957 qu’il embrasse la carrière de mangaka où son enfance, la culture populaire et le monde surnaturel ont une place de choix. Shigeru Mizuki crée et préside d’ailleurs la Sekai Yokai Kyokai, une association regroupant les passionnés de ces fantômes nippons.
Représenter l’invisible
Après l’ouvrage À l’intérieur des yokai, où il imaginait ces créatures coupées en deux afin de détailler leurs entrailles magiques, il propose avec Mononoke — que l’on peut traduire par « créatures étranges » — un travail qui relève davantage de la collection. Au fil des pages, il dessine la plupart de ces yokai, en couleurs et en noir et blanc, rares étant ceux qui ont déjà eu la chance de les apercevoir.
Ces multitudes de dessins sont précédées d’une vaste et précise préface qui replace les yokai dans une dimension historique mais aussi culturelle. Une étude qui peut paraître loufoque mais qui ne l’est pas tant que ça. De nombreuses recherches fondées sur le travail de Shigeru Mizuki ont vu le jour ces dernières années et il existe désormais une chaire d’étude de yokai à l’université de Tokyo.
Mononoke (2021), un ouvrage de Shigeru Mizuki publié aux éditions Cornélius.

© Mizuki Productions / Cornélius 2021.

© Mizuki Productions / Cornélius 2021.

© Mizuki Productions / Cornélius 2021.

© Mizuki Productions / Cornélius 2021.

© Mizuki Productions / Cornélius 2021.
LES PLUS POPULAIRES
-
Du néo-pop à l’art conceptuel, le succès des artistes contemporains japonais en France
Portées par un “japonisme contemporain”, les oeuvres de Takeru Amano, EXCALIBUR ou encore Daijiro Hama ont trouvé leur public.
-
Aux origines du Mingei, le mouvement pour les arts populaires japonais
À l'occasion du centenaire de sa création, retour sur une pensée qui a marqué l'histoire de l'art japonais.
-
AD VOYAGESÀ l’avant-garde de l’artisanat à Mie, entre tradition et innovation
De la poterie Banko à la culture de perles, sans oublier les algues aromatiques ou le saké pétillant, la région se réinvente avec durabilité.
-
Recette du traditionnel “tonkotsu” ramen par Brian MacDuckston
Originaire de Fukuoka, ce ramen est l’un des plus reconnaissables, notamment grâce à la blancheur de son bouillon et sa garniture colorée.
-
Terry Ellis et Keiko Kitamura redéfinissent l’esprit du Mingei contemporain
Les fondateurs de la boutique MOGI Folk Art intègrent l'artisanat Mingei dans le quotidien en l’adaptant aux exigences d'aujourd'hui.