À Tsugaru, la neige a façonné une culture, sa fonte l’impacte

Les clichés réunis par Sho Shibata dans “Reflections On Tsugaru” dépassent le genre de la photographie de paysage.

19.11.2020

TexteHenri Robert

© Sho Shibata

La pointe nord de l’île principale du Japon, Honshu, détient un record. La ville d’Aomori est la plus enneigée du monde : il y tombe près de 8 mètres de neige chaque année. C’est dans ces environs que se trouve Tsugaru, terrain des réflexions du photographe Sho Shibata, et de six années et demi de travail mettant en lumière les changements observés au fil du temps.

Né en 1981 dans le district de Minamitsugaru — au sein de la Prefecture d’Aomori —, le photographe Sho Shibata se concentre depuis le début de sa carrière sur les paysages de sa région, tout en adoptant une démarche singulière.

 

Une neige nécessaire à un mode de vie

Dans Reflections On Tsugaru (2019), l’artiste souhaite en effet dépasser une photographie dite de « paysage », pour « capturer le climat et l’atmosphère de Tsugaru », explique t-il dans une interview à Pen. Cette manière d’envisager une manière de vivre adaptée à l’environnement se traduit par des photographies en noir et blanc décrivant des terres agricoles, des maisons abandonnées, des paysages façonnés par la neige et la brume. L’enneigement de la région entre novembre et mars a conditionné une manière de vivre, d’aborder la vie, une « sagesse et une culture héritée des ancêtres. »

Le ciel et l’horizon balayés par la poudre blanche se retrouvent dans les photographies de Sho Shibata, où seuls un poteau électrique ou une barrière émergent, des photographies de paysage tutoyant l’abstraction, laissant le regard percevoir le quotidien des habitants de la région. Pourtant, les choses évoluent, et le mode de vie également. « Par mauvais temps, il y avait des jours où je ne pouvais pas sortir pour réaliser des photographies, il neigeait trop, mais ces dernières années, il y a eu peu de neige et le printemps est arrivé tôt. J’ai réalisé que cela avait un grand impact sur l’écosystème », poursuit l’artiste.

 

Un témoignage personnel

Cette évolution a des conséquences concrètes sur les populations locales et la faune, la fonte d’une quantité de neige moins importante conduit à des pénuries d’eau, l’arrivée trop précoce du printemps trouble l’écosystème. « Cela provoque de nouvelles maladies et des problèmes pour les cultures. Je pensais avant que je préférerais vivre avec moins de neige, mais maintenant je suis conscient que j’utilise cette neige. »

Dans une province pauvre, où le taux de mortalité des enfants lié à des maladies et la malnutrition est important, le photographe met également en scène les Jizo — des statuettes qui représentent un bouddha —, dédiés à la protection des populations, et qui ont ici une symbolique très forte. Au fil des 112 pages du livre-photo, Sho Shibata propose, au delà d’un portrait de sa région, un témoignage personnel, et comme nombre de photographes contemporains, lance un message d’alerte.

 

Reflections on Tsugaru (2019), de Sho Shibata, édité par Michioto Publishing.

© Sho Shibata

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