Adam Norgaard peint les différences culturelles
Installé au Japon, l’artiste américain œuvre avec patience à représenter une culture qui le bouleverse, dans tous les sens du terme.
Adam Norgaard, “Bonsai Inspector” (2021)
Adam Norgaard est indéniablement sensible à l’œuvre des grands noms de la création japonaise, qu’il cite volontiers. Pourtant, davantage que ces références, c’est le choc de la découverte de la différence de mentalité et de culture, entre son pays d’origine, les États-Unis, et celui où il réside aujourd’hui, qui guide son œuvre.
Attiré dès son plus jeune âge par la culture japonaise, intrigué par la complexité de la langue, Adam Norgaard décide d’étudier le japonais au lycée, puis de s’installer à Kawasaki à partir de sa troisième année. De retour aux États-Unis où il se forme à l’Academy of Art University – School of Fine Art de San Francisco, puis à Portland, il choisit de s’établir définitivement dans l’archipel, soucieux de ne pas voir sa maîtrise du japonais s’envoler.
L’artiste, né en 1991, est en premier lieu fasciné par la mentalité japonaise notamment pour ce qui est de la manière d’aborder la vie en société — l’uchi-soto. Comme il l’explique à Pen, le « Japon est extrêmement homogène et les gens sont divisés en deux groupes, les uchi (dedans) et les soto (dehors). Lorsque je peins un personnage, je le représente souvent comme étant altéré, en m’inspirant en grande partie de mon expérience, ma tentative de m’assimiler dans la société en tant qu’étranger. »
Contraint d’observer et de persévérer
Il a notamment découvert la création artistique à travers la littérature et le cinéma : Yoshitomo Nara sur la couverture de l’ouvrage Hardboiled & Hard Luck de Banana Yoshimoto ou la costumière et designer Eiko Ishioka via sa collaboration au film Mishima: A Life in Four Chapters de Paul Schrader. Adam Norgaard offre une peinture qui retranscrit avec finesse — dans l’utilisation des couleurs, des contrastes, des différents plans —, sa volonté de pénétrer, de décoder et de s’intégrer autant que faire se peut dans son nouvel environnement.
Chaque œuvre naît d’un moment, d’une observation de l’environnement dans lequel il baigne depuis 2014. En 2015, il réalisait ainsi White Thread. Cette pièce est née d’un souvenir, celui d’un trajet en métro, lors duquel il observe ceux qui l’entourent, « des résidents de ville-dortoirs, à l’apparence identique. Moi qui viens d’un pays où la population est très diversifiée, c’était quelque chose d’incroyable », confie Adam Norgaard. Dans White Thread, le personnage représenté « est entouré d’orbes de deux couleurs différentes. Les blanches se rassemblent autour de la personne… dans l’autre groupe, orange, figure une plante qui se colle au visage représenté. Cela suggère que celle-ci n’est pas dans un environnement lui permettant de s’épanouir », poursuit l’artiste.
Différentes formes d’expression
Autre exemple avec Encounter 1 (2016). Cette peinture aborde une référence majeure de la culture japonaise, les masques de nô. Adam Norgaard explique avoir entendu que ceux-ci « semblent changer leurs expressions en fonction de l’angle sous lequel ils sont inclinés. » Lorsque les masques sont penchés vers le haut, ils semblent sourire, lorsqu’ils sont inclinés vers le bas, ils « froncent les sourcils. J’ai représenté différents masques dans cette peinture, et pour ajouter une part de mystère, le spectateur ne sait pas si la figure centrale porte un masque ou non. »
Ses travaux plus récents s’intéressent à un symbole du Japon, le bonsaï, un art botanique dans lequel il a échoué. Dans Bonsai Inspector (2021), un maître bonsaï est en plein travail, entouré de ses assistants.
L’œuvre d’Adam Norgaard est le fruit d’une adaptation à un environnement culturel et social davantage contraint que celui dans lequel il est né, et d’une forme de résilience. « Travailler au Japon demande beaucoup de patience. Certaines personnes appellent cela la culture du gaman (un terme bouddhiste zen qui renvoie à la persévérance). Ces importantes contraintes sont également sociales. Pour les Occidentaux, je pense que le plus grand choc culturel est la culture collectiviste », qui conduit notamment à une plus forte retenue dans l’expression de ses sentiments, « par souci de ce que la communauté pourrait penser », constate l’artiste.
Le travail de l’artiste est à retrouver sur son site internet.
Adam Norgaard, “Encounter 1” (2016)
Adam Norgaard, “White Thread” (2015)
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