Akira Kurosawa, derrière le réalisateur, le peintre

Celui qui est considéré comme un des plus grands cinéastes japonais du XXème siècle était aussi un dessinateur marqué par l’expressionnisme.

17.05.2021

TexteClémence Leleu

© Akira Kurosawa

Surnommé « l’empereur » du cinéma japonais, noir clin d’oeil à sa manière dictatoriale de se comporter en plateau, Akira Kurosawa a signé, entre 1941 et 1993, 33 films, dont il maîtrisait la composition de bout en bout, de l’écriture au montage en passant par la réalisation. Une passion dévorante pour le 7ème art auquel le réalisateur a fait, tout au long de sa carrière, une discrète infidélité pour la peinture. 

C’est vers cette dernière que le jeune Akira, né en 1910 d’un père officier impérial descendant de samouraïs et d’une mère issue d’une famille de marchands, se destine. Il découvre les arts plastiques à l’école, porté par un professeur peu avare en compliments devant sa production picturale. Il se lance alors dans la peinture et expose ses œuvres pour la première fois en 1928. « Mon but n’était pas de bien peindre. J’ai utilisé librement divers matériaux qui se trouvaient à portée de main », confie le cinéaste dans son autobiographie parue en 1981, Comme une autobiographie.

 

Couleurs vives et traits marqués

Son œuvre doit autant à l’influence de la peinture traditionnelle japonaise qu’à la peinture occidentale et notamment aux artistes impressionnistes et expressionnistes européens comme Chagall, Van Gogh ou encore Cézanne. Pourtant, Akira Kurosawa délaisse la peinture pour le cinéma à compter du milieu des années 1930 lorsqu’il devient assistant réalisateur. « Quand j’ai changé de carrière, j’ai brûlé tous les tableaux que j’avais peints jusqu’alors. J’avais l’intention d’oublier la peinture une fois pour toutes », explique le réalisateur toujours dans son autobiographie. « Une fois que j’ai commencé à travailler dans le cinéma, je n’ai plus fait de travaux artistiques du tout. Mais depuis que je suis devenu réalisateur, j’ai découvert que le dessin de croquis était souvent un moyen utile d’expliquer des idées à mes collaborateurs. » 

Akira Kurosawa retrouve donc crayons et pinceaux à compter de 1978 pour dessiner les storyboard de ses films à venir. Kagemusha, Ran, Rêves ou encore Madadayo, les histoires prennent vie sur le papier par l’intermédiaire de l’aquarelle, de l’encre, du pastel ou de la gouache, avant de s’animer sur la pellicule. Sur les toiles se dessinent des bataillons d’armée, des visages guerriers inquiétants ou des paysages bucoliques, avec une constante : l’utilisation de couleurs vives et de traits marqués. 

Le Petit Palais a consacré en 2008 une rétrospective à la production picturale d’Akira Kurosawa, regroupant 87 dessins conçus pour ses derniers films. Les plus attentifs auront également peut-être remarqué les hommages de l’empereur à ses maîtres impressionnistes : certaines toiles de Van Gogh sont incrustées en arrière-plan de certaines scènes de Rêves, sorti en 1990.

 

Akira Kurosawa, Dessins (2008-2009), une exposition des dessins du réalisateur qui a eu lieu au Petit Palais à Paris du 16 octobre 2008 au 11 janvier 2009.

© Akira Kurosawa