Atsuko Barouh, le strip-tease et l’utopie d’une féministe

Dans la série “Pole Dancer”, l’artiste japonaise met en scène des femmes épanouies, qui exposent leur sensualité.

02.04.2021

TexteHenri Robert

© Atsuko Barouh

Dans le shintoïsme, Amaterasu est la déesse du Soleil. Après un contentieux avec son frère, elle se cloître dans une grotte, et plonge le monde dans l’obscurité. Les autres divinités décident alors d’organiser un banquet face à la grotte, lors duquel la déesse Ame no Uzume se met à danser, allant même jusqu’à effectuer ce que l’on pourrait qualifier de strip-tease. Le bruit et l’effervescence provoqués amènent Amaterasu à légèrement déplacer le rocher, permettant à un homme de le pousser et ainsi permettre à la déesse de sortir.

L’artiste japonaise installée à Londres, Atsuko Barouh, utilise ce récit pour illustrer sa réflexion dont est née la série d’œuvres Pole Dancer – Strength in Revealing Weakness. Oui, une strip-teaseuse a sauvé le monde. Que retenir de ce fait ? C’est en fréquentant à l’automne 2019 un club de Shoreditch, en observant l’épanouissement apparent de ces femmes que l’artiste a souhaité réfléchir à la question et creuser ce sujet.

 

« La libération et le danger de la sexualité »

« Pourquoi ces jeunes et jolies athlètes ouvrent-elles leurs jambes, montrant même leurs trous du cul ? Quel genre d’expériences traumatisantes ont-elles vécu ? Quel genre d’enfance malheureuse ont-elles eu ? » Voici les questions ouvertes par l’artiste en regardant les danseuses du club.

Dans une société encore dominée par les hommes, où le nu féminin est immédiatement sexualisé, il a le « pouvoir de captiver les gens. Mais d’un autre côté, cela affaiblit également les femmes, car il est nécessaire de pouvoir se protéger des personnes indésirables que cela attire. Plus vous vous cachez, plus les hommes veulent en voir. Alors quand on s’ouvre et expose tout, comme une strip-teaseuse, la puissance est maximisée », poursuit Atsuko Barouh dans le texte associé à la série.

À travers ses coups de pinceaux, l’artiste inscrit sur le papier des formes féminines, fières, faisant fi des risques de violence sexuelle qui inhibent et contraignent la vie des femmes. Ici, les danseuses évoluent dans un cadre qu’elles ont choisi, elles s’amusent, sont libres. « J’ai représenté la libération et le danger de la sexualité qui se jouent dans un lieu comme celui-ci », poursuit l’artiste. Pourtant, « un tel sentiment de liberté ne dure qu’un court instant. C’est une liberté rendue possible grâce à la mise en équilibre de pouvoirs qui existent dans un lieu particulier en vertu d’un accord où le contact physique est interdit. »

 

Pole Dancer – Strength in Revealing Weakness (2019), une série d’Atsuko Barouh à retrouver sur le site internet de l’artiste.

© Atsuko Barouh

© Atsuko Barouh

© Atsuko Barouh

© Atsuko Barouh